mercredi 6 septembre 2017

De sous le tilleul (trois lectures d'un poème d'Adèle Nègre)

 
Extraits du poème d'Adèle Nègre lus par l'auteur, 08.2017 (3 min)

Poème d'Adèle Nègre lu par Anna Agostini, 08.2017 (13 min.)

Poème d'Adèle Nègre lu par Alexis Hubert, 08.2017 (12 min.)

mercredi 21 juin 2017

Leçon du regard


Walker Evans




Un bien beau parcours, exigeant et sobre, que celui de Walker Evans présenté par le Centre Georges Pompidou depuis le 26 avril et qui court jusqu’au 14 août 2107.


Réel plaisir, donc, de revoir des tirages de plusieurs de ces photographies connues et d’en découvrir beaucoup d’autres mais - et cela paraîtra présomptueux -, quittant les lieux, éprouver un sentiment mitigé, voire une certaine incertitude quant à l’approche de l’œuvre et la signification suggérée par les sections d’accrochage.

Le choix thématique insiste sur ce que le commissaire de l’exposition qualifie de vernaculaire tant pour les sujets que pour la méthode adoptée par le photographe. Certes, les regards de Walker Evans se portent tout particulièrement et très tôt sur les signes graphiques des villes et particulièrement sur les jeux d’écritures qui s’imposent aux façades ou vitrines, mais aussi sur l’architecture, les êtres et les objets. Cette fascination pour les enseignes des magasins, les panneaux publicitaires renvoie moins à une identité de l’américanité qu’à une sensibilité assez surréaliste des lieux et de l’époque. La filiation Atget, Abbott évoquée en début de parcours, dont on retrouve en aval les échos, aurait ainsi pu être complétée avantageusement par l’influence qu’ont pu exercer Brassaï ou Man Ray. 


Penrose, 1936 / Evans 1935
Si l’exposition documente l’intérêt que porta ce photographe aux différents éléments mobiliers de la société de consommation américaine, on regrettera que la collecte effectuée par ses photographies, qui posent les bases d’un vocabulaire dont se saisiront par exemple les artistes du Pop Art américain (et même certains Minimalistes), ne soit pas davantage mis en lumière. N’aurait-il pas fallu pour comprendre ce phénomène associer davantage ici les productions picturales américaines et cinématographiques des époques qu’il traversa ? 


Pourtant, moins qu’un travail sur les porosités multiples et les signes avant-coureurs qui sont présents dans le travail de Walker Evans et qui participent de fait à établir sous forme d’inventaire une image de l’Amérique - on pourrait presque dire à en inventer l’identité - la dimension proprement photographique de cette démarche - sa fonction autant que sa forme, soit sont écriture - reste ici cantonnée à une lecture finalement assez commune, attachée aux sujets ou à l’histoire, comme s’il n’était pas possible de considérer autre chose que ce que l’image donne à voir. Comme pour tout grand artiste, si le choix des thèmes repose sur une obsession, le sujet n’est pas l’objet de l’image, mais le support d’une réflexion plus profonde sur les moyens et les enjeux du véhicule choisi.

Par exemple, les portraits dits « des classes populaires » qui attestent d’une forme d’empathie, ne sont pas si éloignés, dans le dispositif de prise de vue, de ceux de la statuaire africaine (tient encore un point commun avec le Surréalisme !), ou des structures des bâtiments. La frontalité choisie par Walker Evans dit cette intention de réduire tout effet de style marqué, toute dramatisation, tout récit superflu - quels que soient justement les motifs - afin d’assurer une neutralité du regardeur. Le travail par séquences, qui par là même indique une procédure quasi systématique, traduit cette idée du catalogue sans pour autant en épuiser le motif puisque ce n’est pas l’aspect documentaire qui l’intéresse mais la charge de sensible dont témoigne justement - sans pathos - le prélèvement qu’il effectue. Il n’y a en ce sens aucune différence d’un point de vue purement photographique entre les écritures blanches tracées sur une vitrine et les détritus accumulés dans un caniveau, tous deux disant sans détour ce qu’est au fond une graphie produite par la lumière.

W. Evans, Façade en tôle ondulée, 1936
N’est-ce pas d’ailleurs ce dont atteste cette citation de l’auteur à propos de l’un de ses clichés d’une façade de boutique visiblement désaffectée :


 « Quand je suis arrivé devant, j’ai été surtout pris par la lumière transversale sur la tôle ondulée. Cela était en soi tellement beau que j’ai installé mon appareil, bouleversé par cette surface, transporté par l’aspect nu de cette façade en trompe-l’œil, par la façon dont le tas de sable venait s’y adjoindre. La photographie est une réaction instinctive à un objet plastique. »[1]   




On retrouvera d’ailleurs cette question aussi bien dans les portraits de métayers conjuguant figures et bardage des habitats, dans les intérieurs modestes que magnifie la rigueur des cadrages. Aussi, il semble que l’attention portée au figures, aux lieux ou aux objets ordinaires ne sont qu’un point d’appui à la quête d’une valeur absolue de ce que peut donner à voir un photographe et dont la culture littéraire autant que visuelle, qui est la sienne, permet de rendre visible les jeux d’équivalences formelles et symboliques entre une pince, un masque ou un visage buriné, entre une équerre et la géométrie d’une architecture. Autrement dit, c’est la dimension iconique qu’il débusque au-delà de ces inventaires, non pas seulement celle d’une société donnée, mais de façon beaucoup plus intemporelle, celle qui affleurant dans les signes fonde l’humanité.






[1] - citation figurant dans la plaquette d’exposition, tirée d’un entretien entre Walker Evans et Leslie Katz, 1971
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Walker Evans -- Centre Georges Pompidou, 26 04 / 14. 08 2017

jeudi 15 juin 2017

Des gouttes de lumière



Paul de Pignol 




1 - Archipels 

A première vue, ce que donnent à voir les dessins de Paul de Pignol, pourraient être des constellations, myriades de petits ronds noirs, gris, blancs qui semblent flotter dans la page et l’envahissent selon un mouvement centripète ou centrifuge. On pourrait donc croire à un ciel étoilé, aux escarbilles d’un grand feu dans la nuit, ou, changeant de focale, envisager une vue macroscopique d’un organisme cellulaire… Il y aurait donc ici l’exploration d’un territoire qui, selon la distance ou le point de vue que l’on adopte, aurait à voir avec la matérialisation du principe Pascalien.  

Pourtant, il ne s’agit - et les titres des travaux le confirment - que du résultat d’une perception rapide et trompeuse. Comme pour un regard qui, peu à peu, s’habituerait à l’obscurité d’une pièce, celui-ci discernera alors, par des jeux d’intervalles plus ou moins distants de ces particules, d’autres densités formant des masses et des enveloppes plus précises, dessinant les formes - certes mouvantes et presque in-décidées -  de figures : visages, poitrine ou corps entiers… Mais que l’apparence cosmique initiale s’avère être aussi une apparition plutôt humaine, n’est sans doute pas très étonnant, tant on sait, comme l’avait déjà observé Léonard de Vinci, qu’un mur couvert de taches de moisissures, un ciel nuageux, pouvaient être la promesse de plusieurs figurations. 

Le processus utilisé, pour ces grands dessins monochromes, est celui d’un poudroiement de graphite appliqué d’abord de façon plus ou moins régulière par tamponnages sur la surface du papier, formant des nappes sombres, mais pas totalement opaques, sur lesquelles des retraits de matière sont produits ensuite par gommages ponctuels et circulaires, faisant ainsi remonter la zone claire du support.
Ce principe de clair-obscur, détachant fond et forme, qui induit par là même une profondeur, s’inscrit évidemment dans une tradition classique de la peinture, mais n’est pas pour autant si éloigné que cela des enjeux de la photographie. On se souviendra, par exemple, autant des premières images des Pictorialistes aux textures piquetées, qui suggèrent, plus qu’elles n’affirment les sujets représentés, que cette séquence mythique du film (Blow-Up d’Antonioni où le regard est invité à plonger progressivement, vertigineusement dans l’insondable grain d’un cliché. Dans les dessins de Paul de Pignol, c’est au contraire par un lent effet de zoom arrière que se révèlent ces figures atomisées. 


On retrouvera, dans ses monotypes, cette même logique du retrait de matière qui façonne par petites particules suspendues l’aura de présences. En une suite de cinq petits formats il décline ainsi le surgissement d’un visage. Sur l’encre grasse et opaque de la plaque, à l’aide d’un coton-tige sec ou imbibé d’essence il perfore le noir pour en dégager une nébuleuse en réserve que quelques accents plus incisifs suffisent à transformer en silhouettes capitales.

Les deux questions récurrentes qui traversent les approches graphiques de Paul de Pignol sont évidemment celles de l’entre-deux entre figuration et abstraction et celle de la lumière comme moyen de cristallisation, voire de fixation, de ce jeu de balancier où la figure surgit du néant comme l’image à la surface d’une feuille argentique dans le bain du révélateur.


2 - Chère chair

Comme en négatif au principe des dessins, c’est par une accumulation de matière que s’élaborent les sculptures de Paul de Pignol. L’aspect bosselé qui constitue l’enveloppe de ses volumes est de fait composé de boules agglutinées, agglomérées qui forment ce relief plein d’aspérités où s’accroche la lumière en milliers de gouttes. Les différentes figures - car il s’agit bien encore de cela, même si certaines d’entre-elles se rapprochent plutôt de totems - ne sont pas des représentations exactes ou fidèles, mais des transpositions idéelles de corps dont quelques indices marquent le genre. Autrement dit, il est à peu près certain que ces attitudes, ces gestes, ces postures ne sont pas le résultat d’une observation directe - un modèle d’atelier par exemple - mais plutôt le résultat accepté du surgissement par l’agrégation de la matière d’une possible apparence, d’une vraisemblable présence. C’est donc à tort qu’il faudrait chercher ici à établir une analogie formelle immédiate avec les personnages de Giacometti. Ne faudrait-il pas plutôt lui préférer un rapprochement avec certaines pièces de Germaine Richier, ou les boules de Lucio Fontana ? Et encore s’il fallait quitter le domaine du volume, n’est-ce pas la peinture d’Eugène Leroy qui s’imposerait finalement ? 
Si la représentation humaine est suggérée, elle n’en n’est pas moins chargée de signes qui amplifient l’ambivalence du sujet représenté entre chair et pierre (Figure de Roche), qui opèrent une accentuation de l’animalité ou une métamorphose vers le règne végétal (Rhizomes V), voire un jeu de dramatisation des sujets (Œdipe et le sphinx, La chute de Lucrèce, Gisant…). C’est en un certain sens le rôle que semblent avoir ces lignes qui prolongent les figures, déroulant une trajectoire en une gestuelle ample, matérialisant des excroissances ou d’incertaines prothèses.

C’est en agençant, en  juxtaposant, ces minuscules sphères, formant des grappes, que Paul de Pignol provoque l’apparence d’indicibles figures. Réalisées à la cire sur armatures, ces pièces originales seront, pour certaines, coulées en bronze, un bronze noir lustré, dont chacun des petits reliefs convexes qui constituent l’enveloppe visible renvoie à cet archipel de points lumineux que traduisent aussi les dessins.


L’une des sculptures, intitulée Gisant est un assemblage de deux parties en deux matériaux distincts. La cire rouge, légèrement translucide, repose sur la longueur d’une poutre en bois maculée de taches sombres : sphères et pavé dialoguent pour dire ce paquet fragile posé sur la fibre rêche et compacte. Une nature morte de fortune que l’on prendrait volontiers pour les fruits d’une récolte oubliée dans un coin de grange, mais aussi, comme son titre l’indique, celle d’un défunt allongé, préparé, pour traverser les longues ténèbres. Le raisin, le vin, la chair et le sang, un morceau de bois, la branche d’une croix…  Cette idée de corps, simple carnation sensible que le métal n’a pas encore figé, pérennisé, tient de la déposition et pourrait par une lecture plus biblique dire davantage encore. Qui parle d’incarnation ?  


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Incarnations ( dessins et scuptures) / Paul de Pignol. du 8 juin au 29 Juillet 2017. Loo&Lou Gallery Haut Marais. 20 rue Notre Dame de Nazareth, Paris 3ème / www.looandlougallery.com






 
 

mercredi 14 juin 2017

Ainsi sont faites les couches enchevêtrées des songes

Florence Dussuyer


Le cycle des peintures de Florence Dussuyer intitulé Les endormies, qui se développe depuis 2014, contient le motif insistant, lancinant et lascif de figures allongées parmi des étoffes qui pourraient être celles d’un lit. Ce qui frappe d’emblée dans ces compositions, si on les considère dans leur ensemble, c’est la lente évolution de la relation entre le ou les corps et les contextes où ils se trouvent.


Dans Sieste Bleue  en 2014, c’est une figure diffuse qui est posée sur un fond traité en nappes claires; à peine dessinée, la tache lumineuse de ce corps replié sur lui-même tient de la douceur nacrée d’un cauri posée sur une plage. Le repos de Narcisse, qui relève moins de la figure mythologique telle qu’elle est souvent figurée en son reflet, surprend dans son sommeil - non pas un jeune homme - mais une jeune femme calée entre les coussins de ce qui pourrait être un canapé mais dont les formes arrondies et vaguement polies évoquent la consistance de galets au lit d’une rivière. Rose-Marie repose dans le désordre de tissus froissés dont le rendu des textures autant que la gamme chromatique rappelle plutôt, dans la partie supérieure, celles de pierres roses cristallines et, dans la partie inférieure, la transparence à peine troublée d’un bassin naturel, tandis que Claudia, discrètement juchée au sommet d’une vague minérale sur laquelle se détachent des motifs de pétales bleus, s’est assoupie au ruissèlement discret d’une source. 


Parfois le corps est enseveli et parfois il surnage d’entre ces motifs floraux, d’entre ce qui n’est plus tout à fait le pli d’un textile mais, déjà, aurait l’apparence tantôt du liquide tantôt du solide (roche d’un conglomérat étrange) mais aussi de la chair. Le corps s’enfonce sans peser, flotte entre deux eaux, disparaît absorbé dans ces cataractes fluides qui coagulent en poches compactes ou se dissolvent en dentelles d’écumes. Parfois encore le tissu qui abrite l’endormie n’a plus de poids, n’a plus de base ni d’assise : il tient en l’air comme par enchantement, comme en rêve (Esja), tout en dégorgeant comme c’est aussi le cas pour Philomène des filets de rouges; en effet, dans ce tableau le tissu vert parsemé de corolles blanches se fait peau animale écorchée et même à ses extrémités viande sanguinolente. Le sommeil, avec ou sans raison, produit ses monstres.
En 2016, c’est toute une faune qui vient peupler le décor de ces scènes : banc de poissons rouges, flamands roses, éléphants, canards, lapins, cerf, troupeau de bisons… Une animalité domestique et sauvage qui s’interpose, troublant l’apparente quiétude des dormeuses. Les fonds neutres et uniformes, ou tendus de tentures de motifs sobres, font momentanément place à des paysages sylvestres ou des citations d’œuvres (la tapisserie de La dame à la licorne dans Anne). Contes et légendes, mythes ou récits semblent alors nourrir les rêves des belles endormies. En 2016, toujours, dans la solitude des draps se glissent des partenaires. Sans que les positions des figures n’en soient tout à fait modifiées, ces couples enlacés dans la somnolence renvoient très certainement à un après des accouplements et des jeux érotiques représentés sans détour dans une série d’aquarelles, justement nommée Les images manquantes, réalisée sur la même période. 

Les endormies, ensevelies plus ou moins profondément dans le fatras de draps, le moelleux d’édredons ou de couvertures ornementées, ne donnent que rarement à voir la totalité de leur anatomie. Le plus souvent ce ne sont que des parties : les angles repliés des bras qui font nœud autour de la masse d’une chevelure (souvent brune mais pas seulement), le rose d’une joue; il arrive aussi qu’un sein, des jambes ou des cuisses en émergent comme c’est le cas pour Corinne, et Noémy. Ce jeu entre les fragments visibles de peau nue et les enveloppes d’étoffes qui couvrent ou dissimulent se conjugue avec la présence discrète de sous-vêtements (ici la bretelle ou le bonnet d’un soutien gorge, là une culotte) et est l’indice d’une représentation qui, tout en explorant l’abandon du corps et une certaine intimité féminine (dans le sommeil), n’use pas de la thématique du corps - tout au moins dans ce cycle - pour y y offrir une nudité crue : la sensualité indolente plutôt que la sexualité. Mais, si il y a une forme de pudeur ou de discrétion dans ce qui nous est livré des personnages, l’aspect charnel se trouve certainement ailleurs, dans la chair avouée des tissus, dans l’onctuosité des pâtes, dans les voiles légers qui révèlent les dessous de l’image et laissent le regard sonder dans les strates de peinture. La chair n’est pas dans les lignes de ces corps souvent blancs et presque évidés, mais dans les matières et les jeux de glacis, dans l’effusion de pigments précipités, dans le grain effleuré de la toile de certaines petites études (Myriam).

Qui sont ces endormies qui n’ont pas toutes un visage mais qui, par contre, ont un nom ? Asuman, Ivana, Jelena, Eléna, Kamna, Roseline, Sangita, Janeh, Miroslava, Ceren, Linh,.. autant de patronymes dont certains aux consonances rares ou étranges qui devraient en toute logique décliner des silhouettes, des corpulences ou des pigmentations différentes alors même qu’au regard des fragments de corps montrés - et à quelques exceptions près - ceci ne se vérifie pas vraiment. Au contraire, ces dormeuses se ressemblent toutes un peu et d’autres indices, comme par exemple la récurrence des motifs décoratifs, laissent deviner qu’il y a bien des invariants de figures et de lieux dont seuls l’assemblage des formes et des couleurs, voire des matières, ne désignent pas des personnes derrière des noms, mais plutôt des caractères de personnages réels ou rêvés, des climats tissés. Quelles que soient leurs histoires ou leurs songes, ses assoupies d’un instant, seules ou accompagnées, ces dormeuses englouties sous des literies chamarrées ou nageant entre des strates mouvantes pourraient au fond n’être qu’une seule et même rémanence, qu’une seule et même figure. 


Que le sommeil montré en ces déclinaisons oscille entre l’apaisement et l’agitation, l’abandon alangui ou l’inertie profonde pourrait laisser croire qu’il ne s’agit là que d’innocentes scènes de genre, renvoyant aux diverses propositions qui marquent particulièrement l’histoire de l’art et plus particulièrement celle la peinture. On pensera aussi bien, par exemple, à la pose relâchée de La Jeune fille endormie de Balthus ou à celles des pochades de Delacroix ainsi qu’à certains dessins de Fragonard et plus encore à l’ambiance étrangement aquatique de la Danaé de Klimt. Il semble cependant que le sommeil dont il est ici question dans les compositions de Florence Dussuyer ne soit qu’un prétexte ou un alibi pour raviver des questions plus profondes, plus secrètes sans doute, des obsessions qui touchent au désir et à ce que génère l’état de semi-conscience des rêves, par et dans les traitements non des corps dessinés mais de la peinture qui les entoure, les couvre, les traverse. Il faudra selon l’expression consacrée apprendre à se méfier de l’eau qui dort.

On aura observé que le jeu des métaphores plastiques et langagières qui sous-tendent ces peintures tournent autour des tissus, celui de la peau, celui des étoffes, celui de la toile. Les tissus des corps y sont diaphanes ou opaques, souvent cernés d’une ligne de graphite fragile, presque tremblée par endroits qui les opposent à ceux de la literie ou des fonds qui sont brossés plus largement, combinant des enduits épais, des flaques de couleurs diluées, des concrétions rugueuses, des myriades de touches, de taches ou de signes répétés, intriqués. Ce traitement dissocié forme/fond qui rappelle aussi bien les préoccupations plastiques de Degas ou de Klimt (ou celles proches de son contemporain viennois, Schiele), emprunte aussi aux jeux des enchevêtrements de plans chez Vuillard (surtout dans les contacts des éléments graphiques traités en frontalité, mais aussi pour les tons en camaïeux) qu’aux ambiances feutrées de Bonnard et encore aux métamorphoses colorées des pastels de Redon. L’art ornemental et floral des enluminures des livres d’heures ou les lacis des arabesques des miniatures persanes, celui des tapisseries victoriennes de Morris et de Bradley, mais encore, évidemment, l’allusion aux estampes japonaises, forment ce réservoir infini d’une syntaxe ici hybridée. La vieille question de la prédominance de la ligne ou de la couleur, qui opposait les Classiques et les Romantiques et qui a occupé tout un pan de la production artistique du 20ème siècle se voit ici reposée avec un équilibre dont de balancier penche néanmoins du côté de la couleur. Et l’on se surprend à penser que lorsque les figures des dormeuses se fondent finalement dans cette vague complexe de matières et de couleurs (Janeh, ou le n°9 de la série Ces instants vulnérables), ce qui pointe relève d’une abstraction parfois proche de propositions du Pattern-Art, telles les œuvres de Zakanicht.

Certains états des travaux photographiés en cours de réalisation donnent à comprendre en partie le processus. Ainsi, gageons qu’avant toute chose la toile blanche est préalablement travaillée de jus entrecroisés, jeux de transparences sur lesquels sont ancrés les dessins des figures et que viennent enfin les pâtes colorées, les jeux de motifs et de taches venant bloquer les tracés. Autant il y a une décision du graphisme - dont certains repris d’une toile à l’autre avec un faible écart semblent indiquer qu’ils peuvent avoir été réalisés à partir d’un document photographique ?-, autant les aspect chromatiques et le traitement des matières obéissent à une logique de recouvrements successifs qui déplacent, modifient le contexte et même peuvent, comme c’est le cas dans le panneau gauche d’un grand triptyque (titre ?) faire basculer l’univers d’une chambre à celle d’une forêt. Le corps est une ossature fixe, une structure ou une ancre autour de laquelle tournent les flux de peinture, comme se resserre l’étau des mains sur un objet qu’elles saisissent. Le désir de peinture étreint le sujet.



Dans une peinture récente, Alma, la blanche silhouette d’une dormeuse, allongée sur le dos, repose sur (ou dans) le rose d’un fond presque uni, ourlé cependant de faibles nuances tandis qu’au dessous d’elle s’ouvre en éventail l’évocation de ce qui pourrait être un nénuphar géant ou une fleur de lotus telle que l’on en croise dans certaines peintures religieuses de l’Inde. A y regarder de plus près, ce motif mi-floral, mi-organique, n’apparaît comme tel que par la circulation du rose qui, par recouvrement partiel, venant de la partie supérieure du tableau, descend et découpe (ou unit - c’est selon -) maints fragments d’une texture de signes variés, de celle qui constituait habituellement la matière des textiles. Le corps est nu, les bras repoussés en arrière du visage, la poitrine découverte, offerte dans une pose abandonnée alors qu’une étrange corolle qui s’ouvre et s’étale au sol (tels les volants d’une jupe), ou encore qui enfle et semble prête à éclore, incarne vraisemblablement, par les substances qui la constituent, la manifestation même du désir. Une ligne, traversant le tableau à l’horizontale, évoquant le tracé d’un oscillogramme, traduirait peut-être alors le pouls ralenti de l’endormissement. Les endormies ne dorment que d’un œil.



(texte figurant au catalogue Florence Dussuyer, 2013-2017, publié par Christian Guex de la Galerie Au delà des apparences, disponible à la galerie - avec les contributions de Patricia Houg, Armand Dupuy,  Rosario Mineo Martin Laquet et Philippe Agostini) - on peut consulter les travaux de Florence Dussuyer sur sa page Facebook ainsi que sur son site 

dimanche 29 janvier 2017

Carnages chez Cranach

Lucas Cranach



"Aussi souvent que les princes vous emmèneront chasser, vous transporterez partout avec vous un panneau, que vous compléterez au milieu de la chasse, où vous dessinerez comment Frédéric abat un cerf, comment Jean poursuit un sanglier." Christoph Scheurl, extrait d’une lettre adressée à Lucas Cranach, 1509


 1- Repérages 


Il est peu probable que ce soit à ce tableau, « Chasse au cerf de l’électeur Johan Frédéric le sage » que l’auteur de cette lettre, Christoph Scheurl, humaniste et professeur à l'Université de Wittenberg, fasse directement allusion (puisque le tableau en question date de 1529), mais peut-être plus directement aux dessins, dont on dit bien qu’il ne nous en reste finalement que peu de traces - que Lucas Cranach réalisait souvent au cours de ses voyages.
 Pourtant, à bien y réfléchir, soit cette remarque donne envie de sourire, par l’apparente naïveté qu’elle contient, imaginant par exemple le peintre au milieu de ce beau désordre, saisissant au vol la course frénétique des cervidés, croquant à tout va les bêtes affolées par les meutes de chiens lancés à leurs trousses ou s’appliquant à dessiner ceux acculées à la rivière, harcelées par les piques des veneurs… soit, on peut y discerner une pointe d’ironie concernant précisément la représentation de cette faune, telle qu’elle peut apparaitre ici, relevant par bien des points à celle déjà répertoriée par les miniatures des livres d’heures, ou du fameux livre de chasse de Gaston Phébus (1387-89)

Détail de Chasse au cerf de l’électeur Johan Frédéric le sage  1529
Détail du Livre d'heures de Marguerite d'Orléans 1430 (BNF)
En 1504 Lucas Cranach (l’ancien) quitte Vienne pour Wittenberg, pour s’installer comme peintre de cour au service de l’électeur Frédéric III de Saxe. Dans les années qui suivent cette prise de fonction, Cranach modifie sensiblement sa façon de peindre. Les caractéristiques expressives de sa période viennoise cèdent le pas à une mise en forme que l’on a dite plus mesurée et plus stylisée. Les raisons de cette transformation sont multiples et sont sans doute dues à des nécessités d’ordre politique (la Réforme) autant qu’esthétique (affirmation d’un style), mais aussi très certainement pratique.

En effet, afin de répondre aux multiples commandes de « reproductions » de ses peintures, qui lui sont faites par les différents princes de Saxe, Lucas Cranach met en place, dès 1525, un atelier auquel il associe ses fils (Lucas junior et Hans). Quelques historiens de l’art considèrent, pour cette dernière raison, que cette période, plus maniériste, fut aussi sans doute moins riche en inventions que la période précédente… 
Ainsi, en 1858, on pouvait lire dans la revue L’artiste (partie 2. Éditeur Aux bureaux de L'Artiste, P.214) : « Les Chasses au cerf des deux Cranach n’ont pas la valeur artistique des tableaux du Louvre ; mais ils sont curieux comme études de costumes et de mœurs».

Détails de "Chasse au cerf de l’électeur Johan Frédéric le sage" (1529)
 et "Chasse près du château de Hartenfels" (1544)
Jean Claude Bourdais avait tenté de démêler(*), dans une première approche, la question de l’attribution de ces scènes de chasse (car il en existe plusieurs !) au père ou au fils Cranach (les deux Lucas), en se basant sur ce que les différents musées, où ces peintures sont conservées, proposaient comme documentation. Il en avait alors recensé au moins cinq : quatre peintures et une gravure. 


1 - Chasse au cerf de Johann Frédéric, attribué à Cranach le Jeune vers 1544, au Kunsthistorisches Museum de Vienne,
2 - Chasse au cerf en l'honneur de Charles Quint au château de Torgau, attribué au Vieux (ailleurs au Jeune), 1545, Musée du Prado de Madrid,
3 - Chasse au cerf de l'électeur Frédéric le Sage, attribué à Cranach l’ancien, 1529, Kunsthistorishes Museum de Vienne,
4 - Chasse au cerf en l'honneur de Charles Quint au château de Torgau, attribué l’ancien (mais sur quelques sites au jeune !), peint en 1544, Muséo del Prado, Madrid,
5 – Chasse au cerf de l'électeur Johann Frédéric, au musée de Vienne, une encre attribuée (selon les sites) plutôt au fils, datée aussi de 1544.  

A celles-ci, on peut encore en ajouter deux autres :  

6 - Chasse au cerf de l'électeur Frederick le sage, attribuée à Cranach l’ancien (très proche dans la fig.4) datant aussi de 1929, au Museum for Kunst, Copenhague
7 - Chasse près du château de Hartenfels, attribuée à Cranach le jeune, vers 1544, au musée de Cleveland. 
L’ensemble de ces peintures est construit selon une structure paysagée assez proche : un bras de rivière ou un plan d’eau (un marais parfois ?) entouré de hautes futaies cerne une clairière. Le lieu est situé dans les environs d’un château figuré en arrière-plan.

Quatre tableaux sur six (fig 1,2,4,7), tous datés de 1544 ( ?) indiquent sans ambigüité qu’il s’agit de celui de Hartenfels, qui se dresse en bordure de l’Elbe, dans la ville de Torgau. La présence des écussons de la cité peints sur la partie supérieure de deux d’entre eux (fig.1 et 4) l’atteste.

Détails à gauche de "Chasse au cerf en l'honneur de Charles Quint" (1545) - "Chasse près du château de Hartenfels" (1544),
Détails à droite : "Torgau" gravure de 1560 et "Torgau" Lithographie 18e
Le point de vue n’y est cependant pas toujours le même, présentant les façades du château sous des angles légèrement différents - ce qui fait dire à J-C Bourdais que nous avons affaire à une sorte de léger « travelling circulaire… » -. Dans deux peintures (fig. 1 et 2), la ligne d’horizon, située assez haut, permet de se rendre compte que ce terrain de chasse est visiblement localisé de l’autre côté du fleuve.

Pour deux autres panneaux (fig.3 et 6), il y a peu de chance qu’il s’agisse du même lieu, étant donné, d’une part la situation haut perchée du château et, d’autre part, en tenant compte des dates de construction du château de Hartenfels ( entre 1532 et 1544), sachant que les peintures en question sont datées aux alentours de 1529.

Deux détails des deux "Chasse au cerf de l’électeur Johan Frédéric le sage" (1529)
Détails de gravures et photographies de Chateau de Wartburg (gauche) et de  la Veste Coburg (droite)
Selon toute vraisemblance, il pourrait s’agir plutôt ici de deux autres châteaux, respectivement celui de Wartburg et celui de la Veste Coburg, deux lieux où Martin Luther résida sous la protection des ducs Electeurs de Saxe, afin échapper à la condamnation à mort dont il était menacé, suite à son excommunication par l’église Catholique et dans lesquels il rédigea la traduction du Nouveau Testament en allemand.

Cependant, il faut bien le dire, il ne s’agit sans doute pas d’une figuration réaliste, mais plutôt d’une « localisation », soit une façon de désigner un domaine (donc son propriétaire), tel que précisément cela se faisait déjà dans les enluminures du Moyen-âge.

2- bât l'eau
« Après avoir épuisé ses ruses, l'animal est gagné par la fatigue. Il est malmené, sa silhouette s'affaisse, il porte la hotte, tire la langue, ses membres raidissent; il est sur ses fins. »  Souvenir du Duc de Brissac (*)

Malgré l’apparent désordre, amplifié par les courbes distendues du paysages, où s’agitent en tous sens personnages et animaux, on peut remarquer que le sens de lecture de ces tableaux est tout de même organisé, du haut vers le bas, décrivant chronologiquement, par lacets entrecroisés, le déroulement de la chasse : la levée du gibier dans les bois, par les cavaliers et la meute de chiens, la course pour l’épuiser, la traque pour l’amener jusqu’au plan d’eau et l’embuscade tendue de l’autre côté de la rive au plus proche de nous. 


On observera aussi, dans cette série de tableaux, la hiérarchie des figures, leur emplacement (centrées/excentrées), les costumes (et les coutumes, comme l’importance d'un cheval blanc)… Dans cette profusion de détails, les Cranach se sont employés à restituer la perception chaotique de l’évènement, tout en respectant les conventions et les codes du rituel.

Deux éléments semblent cependant rompre avec la tradition de la représentation du moyen-âge. D’une part la chasse au cerf était exclusivement représentée en forêt profonde alors qu’ici il parait évident que l’issue s’appuie sur l’obstacle liquide, sorte de barrière naturelle qui ralentit la course et permet aux archets embusqués d’ajuster leurs cibles. D’autre part la profusion des cerfs chassés donnent l'impression d'un carnage.

3 - récits superposés

« La vie chevaleresque du docteur avait parfois quelque chose de très théologique. Un jour, on prépare des filets, on ouvre les portes de la forteresse; les chiens, aux oreilles longues et pendantes, s'élancent. Luther avait voulu goûter le plaisir de la chasse. Bientôt les chasseurs s'animent; les chiens se précipitent; ils forcent les bêtes fauves dans les broussailles. Au milieu de ce tumulte, le chevalier George, immobile, avait l'esprit rempli de sérieuses pensées à la vue de ce qui l'entourait, son cœur se brisait de douleur, « N'est-ce pas là, disait-il, l'image du diable, qui excite ses chiens, c'est-à-dire, les évêques, ces mandataires de l'Antéchrist, et les lance à la poursuite des pauvres âmes'?
Un jeune lièvre venait d'être pris; heureux de le sauver, Luther l'enveloppe soigneusement dans son manteau, et le dépose au milieu d'un buisson; mais à peine a-t-il fait quelques pas, que les chiens sentent l'animal et le tuent. Luther, attiré par le bruit, pousse un cri de douleur «  0 pape dit-il, et toi, Satan! C'est ainsi que vous vous efforcez de perdre les âmes même qui ont déjà été sauvées de la mort ? » Jean-Henri Merle d'Aubigné, «  Histoire de la Réformation du XVIe siècle ». (Tome 3). C. Meyrueis (Paris), 1860-1862. BNF
Si la chasse aux grands animaux (ours, sangliers, cerfs…) était, on le sait, l’une des distractions favorites des princes, l’activité se déroulait selon un rite et des codes précis, affirmant autant les rapports sociaux que la nécessité sans cesse renouvelée d’insister sur la suprématie du seigneur sur la nature. Chasser le cerf était donc une façon ancestrale (et archaïque) d’affirmer ses pouvoirs. L'animal incarnait bien plus l’idée d’une figure primitive, voire mythique, que celle d’une simple proie. Poussé de l’obscurité des forêts à la lumière des clairières, le cerf, particulièrement par la fascination qu’exerçait sa ramure (couronne), était considéré comme le plus « noble » des gibiers (et donc le gibier des nobles).


La présence des cerfs dans l’œuvre de(s) Cranach est une sorte de fil rouge. L’animal n’y est d’ailleurs pas représenté que dans la posture fatale des scènes de chasses. Que ce soit dans le jardin d’Eden, accompagnant les figures du premier couple s’apprêtant à consommer le fruit défendu (comme chez Durër), ou dans l’illustration de la légende de Saint Eustache (celui à qui le Christ en croix apparut entre les cornes d’un cerf pour le convertir)...
Ou encore dans l’interprétation de différents récits mythologiques (Vénus et Apollon, Vénus et Amour…), le cerf, parfois accompagné d’une biche, est là, docile et bienveillant, montré souvent de profil (nous regardant d’un œil), témoin privilégié de la scène où il figure.

Dans Diane et Actéon, une scène de chasse à courre se déroule en arrière-plan, derrière une haie, alors qu’au premier plan, le chasseur ayant surpris la déesse au bain subit déjà les conséquences de sa métamorphose. Les deux mondes, celui de la réalité et celui du mythe s’y superposent à travers les thèmes de l’animalité, de l’érotisme, du sacré et de la violence…
En ce sens, la figure du cerf est bien emblématique des glissements sémantiques possibles qui s’opèrent entre le paganisme et le christianisme en cette époque quelque peu troublée de la Renaissance, et plus particulièrement en Allemagne.

Pour en revenir aux panneaux de chasse à courre, et d'abord les premiers d’entre eux, peints aux alentours de 1529, il semble que le choix de ce sujet (chargé de symboles) excède l’envie de présenter le seul divertissement du prince. Plus encore que l’affirmation de la force et du courage du maître des lieux, ces chasses sont bien des allégories du pouvoir politique et de la détermination des ducs électeurs de Saxe dans les différents combats où ils s’engagent, notamment en protégeant Luther (et donc en s’opposant par là même aux exigences de l’Eglise catholique).

L’esprit naissant de la Réforme ne fut pas sans avoir des répercussions fortes sur un ensemble de phénomènes sociaux, politiques, économiques voire culturels internes au Saint Empire. L’un d’entre eux, le plus sanglant sans doute, fut la guerre des Paysans (1524-1525). Ce soulèvement des paysans motivé par des revendications religieuses et sociales, issues en partie de l’esprit de la doctrine Luthérienne sera pourtant suivi d’une répression violente (plus de 100 000 morts), encouragée d’ailleurs par des propos de Luther pour qui se révolter contre son souverain, c'est se révolter contre Dieu lui-même.(1)

On pourrait, de la même façon, rapprocher la reprise ultérieure de ce thème de la Chasse, dans les peintures réalisées entre 1540 et 1546, par l’un et l’autre des Cranach, à la montée en puissance de la défiance grandissante des princes de Saxe vis-à-vis du pouvoir de l’empereur Charles Quint. L’une de ces peintures, étant justement en l’hommage de ce dernier, pourrait ainsi avoir valeur non de révérence, mais d’avertissement.

Il ne serait donc pas impossible (quoique nulle trace ou témoignage ne l’indique) que les faits historiques qui jalonnent cette période mouvementée, trouvent un écho dans ces peintures, ces chasses étant aussi, dans leur organisation autant que dans leur déroulement, un pendant symbolique de la guerre.

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1 - « Quand même l'autorité serait tyrannique et injuste, cela n'excuserait aucunement l'émeute et la révolte, car châtier l'iniquité n'appartient pas à tous; l'autorité seule (entendre les princes) a le droit de punir; elle a le glaive en main, comme disent Paul et Pierre; c'est à elle que Dieu a confié le châtiment du méchant. », Luther cité par Jean Jansen dans « L’Allemagne et la Réforme », 1887

4 - En marge

"Ne va pas crotter tes souliers dans la forêt profonde, un seul arbre suffit pour égarer l’enfant : cache-toi derrière." Eric Chevillard, L'autofictif, 742 (3)

Il y a tout de même de curieux détails dans ces scènes de chasse dont je ne parviens pas vraiment à m’expliquer la, ou les significations. Je me contente donc ici de les relever en espérant qu'ils piquent la curiosité d'autres personnes.


Dans les deux premiers tableaux de 1529, sur la droite, un groupe de cavaliers - des seigneurs armés si l’on en juge par les mises – semble se tenir à l’écart de la course effrénée des bêtes, comme s’il se contentait d’observer.

Autre détail, dans les deux tableaux, une barque transporte des couples (ou tente de traverser la rivière ?). Bien que présents, ils ne semblent pas se soucier de la chasse outre mesure. A l’arrière de l’une des ce barques, il semble même qu’un moine (?) entreprenne une femme. Vraiment étrange!   
(article initialement publié sur appeau vert overblog en décembre.2009 par ap)