Walker Evans
Un bien beau parcours, exigeant
et sobre, que celui de Walker Evans présenté par le Centre Georges Pompidou depuis
le 26 avril et qui court jusqu’au 14 août 2107.
Réel plaisir, donc, de revoir des
tirages de plusieurs de ces photographies connues et d’en découvrir beaucoup
d’autres mais - et cela paraîtra présomptueux -, quittant les lieux, éprouver
un sentiment mitigé, voire une certaine incertitude quant à l’approche de
l’œuvre et la signification suggérée par les sections d’accrochage.
Le choix thématique insiste sur
ce que le commissaire de l’exposition qualifie de vernaculaire tant pour les
sujets que pour la méthode adoptée par le photographe. Certes, les regards de
Walker Evans se portent tout particulièrement et très tôt sur les signes
graphiques des villes et particulièrement sur les jeux d’écritures qui s’imposent
aux façades ou vitrines, mais aussi sur l’architecture, les êtres et les
objets. Cette fascination pour les enseignes des magasins, les panneaux
publicitaires renvoie moins à une identité de l’américanité qu’à une
sensibilité assez surréaliste des lieux et de l’époque. La filiation Atget, Abbott
évoquée en début de parcours, dont on retrouve en aval les échos, aurait ainsi pu
être complétée avantageusement par l’influence qu’ont pu exercer Brassaï ou Man
Ray.
Penrose, 1936 / Evans 1935 |
Pourtant, moins qu’un travail sur
les porosités multiples et les signes avant-coureurs qui sont présents dans le
travail de Walker Evans et qui participent de fait à établir sous forme
d’inventaire une image de l’Amérique - on pourrait presque dire à en inventer
l’identité - la dimension proprement photographique de cette démarche - sa
fonction autant que sa forme, soit sont écriture - reste ici cantonnée à une
lecture finalement assez commune, attachée aux sujets ou à l’histoire, comme
s’il n’était pas possible de considérer autre chose que ce que l’image donne à
voir. Comme pour tout grand artiste, si le choix des thèmes repose sur une
obsession, le sujet n’est pas l’objet de l’image, mais le support d’une réflexion
plus profonde sur les moyens et les enjeux du véhicule choisi.
Par exemple, les portraits dits
« des classes populaires » qui attestent d’une forme d’empathie, ne
sont pas si éloignés, dans le dispositif de prise de vue, de ceux de la
statuaire africaine (tient encore un point commun avec le Surréalisme !), ou
des structures des bâtiments. La frontalité choisie par Walker Evans dit cette
intention de réduire tout effet de style marqué, toute dramatisation, tout
récit superflu - quels que soient justement les motifs - afin d’assurer une
neutralité du regardeur. Le travail par séquences, qui par là même indique une
procédure quasi systématique, traduit cette idée du catalogue sans pour autant
en épuiser le motif puisque ce n’est pas l’aspect documentaire qui l’intéresse
mais la charge de sensible dont témoigne justement - sans pathos - le
prélèvement qu’il effectue. Il n’y a en ce sens aucune différence d’un point de
vue purement photographique entre les écritures blanches tracées sur une
vitrine et les détritus accumulés dans un caniveau, tous deux disant sans
détour ce qu’est au fond une graphie produite par la lumière.
W. Evans, Façade en tôle ondulée, 1936 |
« Quand je suis arrivé devant, j’ai été
surtout pris par la lumière transversale sur la tôle ondulée. Cela était en soi
tellement beau que j’ai installé mon appareil, bouleversé par cette surface,
transporté par l’aspect nu de cette façade en trompe-l’œil, par la façon dont
le tas de sable venait s’y adjoindre. La photographie est une réaction
instinctive à un objet plastique. »[1]
On retrouvera d’ailleurs cette
question aussi bien dans les portraits de métayers conjuguant figures et bardage
des habitats, dans les intérieurs modestes que magnifie la rigueur des
cadrages. Aussi, il semble que l’attention portée au figures, aux lieux ou aux
objets ordinaires ne sont qu’un point d’appui à la quête d’une valeur absolue
de ce que peut donner à voir un photographe et dont la culture littéraire
autant que visuelle, qui est la sienne, permet de rendre visible les jeux
d’équivalences formelles et symboliques entre une pince, un masque ou un visage
buriné, entre une équerre et la géométrie d’une architecture. Autrement dit,
c’est la dimension iconique qu’il débusque au-delà de ces inventaires, non pas
seulement celle d’une société donnée, mais de façon beaucoup plus intemporelle,
celle qui affleurant dans les signes fonde l’humanité.
[1] - citation figurant dans
la plaquette d’exposition, tirée d’un entretien entre Walker Evans et Leslie
Katz, 1971
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Walker Evans -- Centre Georges Pompidou, 26 04 / 14. 08 2017
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