mercredi 28 décembre 2016

Les fondements (ou : la tourte est un plat de résistance)

Gérard Gasiorowski


Faire le guignol, le clown, le pitre, le singe... Faire le fou, dit-on communément pour désigner une attitude, une façon de faire ou d’être quelque peu décalée, amusante ou inquiétante. Certes, Gérard Gasiorowski, en certains moments de son œuvre, s’est plu à jouer quelques uns de ces rôles, ou disons plutôt que l’artiste s’est  employé, au cours de diverses fictions, à en laisser paraitre les signes manifestes – les symptômes –. De 1973 à 1983, Gasiorowski, abandonnant un procédé pictural élégant, s’engage dans une expérience placée sous le signe des Régressions qui le conduira à « toucher le fond », sinon les tréfonds de la peinture. En témoignent « Les tourtes » ou « Les jus ».   
On peut dès lors s’interroger sur les raisons qui ont pu ainsi l’amener à changer radicalement de cap, voire à dériver (délirer) et finalement à « passer à l’acte ».   Dans quelle mesure la manipulation de ces substances et de ces matières premières relèvent-elles du champ esthétique? S’agit-il d’ailleurs d’un « passage à l’acte » au sens psychanalytique du terme -  à savoir un franchissement imprévu des limites du raisonnable et de l’exprimable - ou bien doit-on y voir, au contraire, l’aboutissement cohérent d’une logique et d’un processus plastique poussé à son terme? Quelle « alchimie » est ici à l’œuvre ?

  
Consignation

C’est en 1983, dans l’exposition « Peinture » organisée par l’ARC qu’ont été, pour la première fois présentés au public Les Tourtes et les Jus. Les unes, petite quantité de galettes brunes (une vingtaine) étaient disposées en tas sur la tablette d’une vitrine, les seconds, traces ocres sur papier, montées sous cadre, étaient accrochées à une cimaise formant un bloc compact de quarante huit dessins disposés en ligne sur trois étages. D’un coté, donc, des objets d’apparence organique et de l’autre des images en deux dimensions constituant un inventaire de formes et de figures. De la réalisation des Tourtes, nous ne disposons que de récits, tel celui rapporté par Michel Enrici : « Kiga recueille sa merde dans le berceau de ses mains et y adjoint des plantes aromatiques pour la livrer à une cuisson qui stabilisera la matière »1. Les dessins des Jus, quant à eux, seraient réalisés à partir des substances liquides extraites de ces excréments. Objets et images sont donc attribués à Kiga, personnage révolté et sauvage inscrit au sein d’une grande saga élaborée par Gasiorowski, dont les traces matérielles semblent pourtant attester d’une existence bien charnelle. Côtoyant les autres ensembles réalisés par Gasiorowski (les Fleurs, les Chapeaux, les Meules…) ces travaux singuliers, ces dépôts co-signés par le personnage et son auteur –mais tout aussi bien des « dépôts consignés » ayant presque une valeur de pièces à conviction -, bien qu’inscrits dans un registre fictif, ne pouvaient que susciter une certaine stupéfaction et interpeller sur les raisons profondes qui en avaient motivé la réalisation.  
 
Reproductions
 
Revenons un instant en arrière : les premiers travaux que Gasiorowski réalise entre 63 et 73 sont des toiles photo-réalistes, c’est à dire des images utilisant un processus de reproduction graphique ou pictural à partir d’images photographiques. Patience et méticulosité, plus qu’habileté picturale en sont les facteurs de réussite.

Cette opération appliquée et répétitive aboutissant à un effet spectaculaire ne méritait cependant, pas aux yeux de l’artiste qu’on considère ces travaux comme de la peinture : « Je m’ennuyais, en faisant usage de l’épiscope et ensuite en prenant mon pinceau, commençant mon tableau en haut et à gauche et le finissant en bas et à droite, il m’est apparu que le tableau avant même d’être commencé était fini… », indiquait-il dans un entretien2. Ce n’est pourtant pas par lassitude que Gasiorowski allait modifier radicalement sa façon de travailler mais en prenant acte de l’aspect mortifère de cette entreprise de production d’images. 

 Production



Dès 1970, avec la série des Croûtes, la couleur succède au noir et blanc, le rugueux et le crouteux se substituent au lisse, la touche se fait plus ample, le geste plus vif voire plus chaotique. En 1973, ayant apparemment renoncé à la tentation de «l’adorable leurre », Gasiorowski se lance à corps perdu dans la gribouille et la patouille. Il fait « des pâtés » comme un enfant qui découvrirait l’évidence et le plaisir des outils, des textures, des gestes. Toute une « enfance de l’art », selon l’expression de Picasso dont, précisément, il copie quelques tableaux et en imite scrupuleusement la signature. Peindre d’après photo, d’après tableau ou d’après Pablo ne ferait, au fond, que peu de différence : « Je me trouve toujours devant l’évidence de ma main ; toute une préhistoire bien cultivée ressurgit devant chaque tache ou ligne… »3. Or c’est contre les notions de styles, de manières ou de « factures » que s’insurgeait Gasiorowski, considérant qu’il ne s’agissait là que d’arguments de vente d’un produit : «…l’art n’étant que le résidu marchand d’un certain type de comportement vis-à-vis de la peinture » 3bis. Faire de faux Picasso, dont la signature était mieux imitée que le tableau qui lui servait de modèle, n’était-ce pas, au-delà de simple blague de potache (« Picasso, je peux en faire autant… ! »), une façon de stigmatiser la seule logique mercantile.

 

Réjections

 

Tout produit consommable suppose, de part sa chaine logique, qu’il devienne un jour ou l’autre un rebut, un déchet, un « résidu ». Seule l’importance accordée à la valeur ajoutée de sa marque (la signature) peut, en certains cas, modifier le cours des choses  (un urinoir mural devenant Fontaine…). Nombre de propositions duchampiennes, souvent prisent comme argent comptant, allaient ainsi valoriser une production esthétique privilégiant le concept reléguant de fait la peinture à une simple perception rétinienne, modifiant ainsi le rôle et le statut de l’œuvre d’art. Gasiorowski, qui tenait la peinture comme une forme accomplie de l’expression et du langage, ne pouvait que regretter ce schisme et ses conséquences au point d’en manifester son écœurement : «Pour parler franchement, je vomis l’art moderne, plus exactement l’art meûderne.»4



Régressions 



En décidant d’inscrire son travail sous une logique apparente de Régressions5 Gasiorowski choisissait, simultanément, de se retirer de la logique consumériste de son époque. Il ne lui restait plus qu’à endosser les costumes du pitre, du marginal ou du fou. Dès lors, la multiplication de principes sériels quasi obsessionnels, d’un bricolage grossier ou maladroit, de l’hétérogénéité formelle, de l’utilisation de jouets, de compresses ou de bandages, qui jalonnent ce cycle des Régressions en devenaient les traces visibles. Si les travaux de La Guerre de 1975 portent autant les signes d’une débandade que d’une catastrophe esthétique annoncée, ceux-ci ne sont cependant que les symptômes d’une dynamique régressive dont L’Académie Worosis Kiga (1976-1980) en est la forme la plus explicite.

 Fictions



L’A.W.K est avant tout un dispositif plastique fictionnel qui vise à épingler quelques pratiques fallacieuses du milieu artistique. Posant une fois encore la question de la reproduction servile d’un motif unique (le chapeau), soumettant ses personnages aux règles et aux principes autoritaires qui régissent cette pseudo école d’art, s’amusant de la permutation de leurs identités par jeux d’étiquettes, Gasiorowski stigmatise la vanité de l’artiste qui, revendiquant une démarche originale, ne serait en fait que le simple produit d’une esthétique cultivant l’uniforme et le conformisme. Ainsi, les productions plastiques étant envisagées comme le résultat d’une réduction progressive des diversités d’expressions aboutissent à une forme sommaire et schématique : vidées de leur matière (de leur substance) celles-ci ne se résumeraient plus qu’à des signes en un certain ordre assemblés, pour reprendre la fameuse formule de Maurice Denis6 



Déjection

 

Tout système de production contenant son terme, Gasiorowski élaborant la fiction Worosis Kiga choisissait ainsi, pour la clore, la figure qui y était inscrite : Kiga. Femme et sauvage, dépositaire des formes primitives de l’art, Kiga incarne le refus du convenu esthétique moderne, une entité libre qui puise en elle-même la force de son expression, sans apprêts ni manières, renouant en cela avec des pratiques « authentiques ». Kiga cependant ne peint pas, mais les objets qu’elle façonne contiennent les traces de la peinture ou plutôt celles de sa mémoire intime. C’est dans ce contexte minimal de création que le geste le plus naturel d’extériorisation de la matière devenait possible et que furent réalisés les Tourtes et les Jus

Transgressions


A travers le cycle L’A.W.K, Gasiorowski laissait entendre que l’académisme ne produisait que de la merde, Kiga « passant à l’acte » en fera effectivement l’un des objets de sa pratique. On doit cependant rappeler que dans le dispositif imaginé - celui-ci ayant valeur de métaphore - c’est moins Gasiorowski que son personnage Kiga qui réalise ce geste transgressif. Pourtant, et c’est là toute l’ambiguïté de cette trame narrative, contrairement au seul récit de l’écrivain, les Tourtes sont bel et bien des objets tangibles, des boules d’excréments dont l’artiste confiera plus tard à quelques proches les conditions de leur réalisation. Si la proposition n’avait consisté qu’en une simple défécation, prenant l’expression « faire une merde » au pied de la lettre, celle-ci ne pouvait, sauf à l’inscrire comme une performance – et encore ! -, être considérée comme une œuvre, aussi, fallait-il encore les mettre en forme et surtout les conserver. Les excréments façonnés sous formes de boules légèrement aplaties (moulés dans une passoire7, chargés de paille (de terre ?) et d’herbes aromatiques (préparés et assaisonnés) devaient être cuites (séchées) au four8.
 
Locutions


L’aspect culinaire de cette description (de cette recette) évoque évidemment, entre autres, les jeux d’enfant réalisant des pâtés de terre, des mets factices, des « cacabouillas ». Ceux de Kiga ne sont pas de ces colombins « écramouillés »9 (cacaboudin), mais des « cacacroûte », boules puantes certes, mais épicées, farcies et cuites « à la diable ». Ajoutons que si le terme de Tourtes désigne habituellement une nourriture, laquelle s’avère ici impropre à la consommation, sa consonance se trouve à mi chemin entre « tourbes » et « tarte », ayant justement l’aspect des unes et le souvenir de l’élaboration des autres. Le rapport au langage, ici trituré comme une pâte salée, rappelant, en passant, la fameuse expression du père Ubu (« Merdrre ! »), loin d’être anecdotique, renvoie peut-être à d’autres formes du passage à l’acte, tel le lapsus, qui laisserait par exemple échapper « crottes » à la place de Croûtes : barbouiller des Croûtes10 ou mouler des Tourtes, avec toute la connotation scatologique de ces expressions, revenant à dire que l’on ne fait rien de bon. Les Jus, titre qui désigne un ensemble de dessins, évoque également un langage de cuisine (suc résultant de la cuisson d'une viande) mais aussi de peintre (travail de glacis ou transparence des encres). Ils seraient, pour leur part, réalisés à partir des substances liquides issues des Tourtes pressées avant cuisson.

C’est donc à partir des extraits (extractions) des Tourtes que peuvent se réaliser les Jus, répondant ainsi à l’adage « Rien ne se perd tout se transforme ! ». Les dessins, tracés au pinceau (ou au doigt ?) représentent différents objets ou figures sous forme d’inventaire : on y croise les membres d’une famille, les ustensiles qu’ils sont sensés utiliser pour des taches ménagères ainsi quelques objets de rites auxquels ils pouvaient se livrer. D’un point de vue formel, ces traces en quasi transparence sont réalisées par un jeu de lignes brisées, tracées (étirées) sur un fond blanc, et parfois accompagnées d’annotations (« le grand père, la mère, la passoire à jus, le panier à poisson… »). Le registre naïf et assez géométrique de la représentation ainsi que les sujets pourraient laisser à penser qu’il s’agit là de réalisations enfantines ou primitives pour ne pas dire d’expressions graphiques proches de celles croisées dans le milieu psychiatrique.
Suspicions 

 

D’un coté, les matériaux et les gestes utilisés par Gasiorowski pour les Tourtes et les Jus semblent attester d’une réelle régression. De l’autre, le contexte de leur réalisation, vers 1978, peuvent donner à penser que la frontière entre fiction et réalité était devenue poreuse. Les quelques proches qui lui rendent alors visite, signalent la solitude extrême ainsi que le dénuement de l’appartement où l’artiste vit reclus et où flotte une odeur pestilentielle. Jean-Pierre Bertrand a évoqué à ce propos « une odeur de ventre qui prenait à la gorge »…Une amie (Sabine Monyris) se souvient aussi : «… à cette époque, Gasio était au plus mal, dans un état assez dépressif… pour des raisons privées mais aussi parce qu’il ne montrait plus son travail… Il ne vivait et ne parlait que de « son indien » et de La Peinture… De temps en temps, il venait à la maison et nous faisions de la pâtisserie, des tartes… puis il retournait chez lui où il roulait ses boules de caca et dessinait avec son pipi… C’était une période étrange… ». Gasiorowski aurait-il pu à ce moment précis de sa fiction, compte tenu des circonstances, s’identifier pleinement à son personnage au point de ne plus faire la différence entre sens propre et sens figuré ? L’hypothèse, quoiqu’envisageable, reste fragile et le plus probable est qu’il s’agisse plutôt, comme l’artiste le signalait d’ailleurs lui-même, d’un « psychodrame »11.



Présentations



La dégradation de l’imagerie et de l’image de l’artiste telle qu’elle nous est proposée, qui autorise et justifie le « passage à l’acte » des personnages, relève d’abord d’une écriture et d’une théâtralisation dont Gasiorowski est tout à la fois l’auteur, les acteurs, et le metteur en scène. Plusieurs éléments plaident ici, à mon sens, en faveur d’une représentation que l’on pourrait presque qualifier, de part la nature des objets, « d’hyperréaliste ». Le premier, sans doute, tient à ces jeux d’identités croisées qui brouillent les cartes entre réalité et fiction (sorte de jeu de rôles). Un second tient à la faculté de Gasiorowski à se couler dans la diversité des formes plastiques et d’en digérer les aspects stylistiques comme en atteste aussi, par exemple, le grand ensemble des Amalgames12
 Un dernier élément, et non des moindres, tient plus particulièrement à la façon d’exposer les travaux ou de les mettre en espace. Il en va ainsi des installations des Tourtes au sol de son appartement présentant tantôt, photographiées en 197913 selon différents alignements géométriques (entre jeux rituels et Land Art), ou des dispositions de Tourtes reprenant les compositions de tableaux classiques (une nature morte de pommes de Cézanne, « le panier de fraises » de Chardin…) donnant ainsi à comprendre que ces boules modelées sont d’abord des volumes modulaires permettant d’élaborer des figures complexes sur un mode quasi combinatoire (langage). Cette attention portée à la phase de présentation peut être également observée pour les Jus. En 1979, un cliché montre un premier ensemble dont la disposition respecte les différentes catégories énoncées plus haut (famille, ustensile, objets de rite…) tandis qu’en 1983, pour l’accrochage de l’ARC, les images sont « rebattues » pour donner justement une lecture moins rationnelle (linéaire) de l’ensemble. Tout ceci donnant bien évidemment à penser que l’artiste établit bien une différence entre les phases de réalisation et celle de la monstration (structuration).

Déception 
 
Les Tourtes et les Jus, ne sont pas que le résultat d’une manifestation impulsive ou incontrôlée au sein de l’œuvre mais apparaissent, au contraire, comme celui d’un geste prémédité, ou tout au moins assumé dans le dispositif fictif. La valeur métaphorique de ces objets n’élude en rien la charge émotive qu’ils suscitent chez celui qui en prend acte. Si « passage à l’acte » il y a, c’est dans le sens d’une décision (« Donc acte ! ») qui, l’artiste le sait, conduira inévitablement à un sentiment répulsif, voire déceptif… (« Ha, quel grand peintre vous auriez pu être ! »). La réalisation des Tourtes est ainsi, au sens premier, une « entrée en matière » des gestes premiers de l’artiste : malaxer, modeler, enfouir, recouvrir puis fixer la forme… Les Jus qui en découlent en sont une variante figurative. Le début d’une reconstruction d’un langage, d’un ensemble de signes et de codes, la naissance de l’élaboration d’une norme… « Recommencer la peinture, commencer à nouveau la peinture » pour reprendre les termes de Gasiorowski nécessitait sans doute d’en passer par là, de revenir aux fondements de l’image, au point zéro, à toucher l’impur et à s’approcher de l’indicible.  

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(Ce texte a été rendu public lors du Colloque Internationnal "Passage à l’acte : l’agir, de la performance à la psychiatrie", 20 et 21 janvier 2012. HiCSA / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, en collaboration avec l’Hôpital Sainte-Anne)   
 

1 - Michel Enrici – « Comme une pluie de feu », Cat. Expo. « Peinture » L’ARC, Ed. A. Maeght, Paris, 1983

2 - Ent. avec Bernard Lamarche-Vadel in « Worosis Kiga » Cat. Expo. Théâtre oblique, Paris, 1975 -  

 3 et 3bis - Ent. avec Bernard Lamarche-Vadel in « Worosis Kiga » Cat. Expo. Théâtre oblique, Paris, 1975

 4 - Propos de Gérard Gasiorowski recueillis par Véronique Pittolo et Henri-François Debailleux au sujet l’exposition qu’il préparait pour la FIAC en 1986. Libération 22-08 1986, P.23  

5 - Régressions, retour à un état antérieur du développement affectif et mental,  indique le titre complet du cycle réalisé de 1973 et 1983, lequel recouvre l’ensemble des travaux de La Guerre aux Amalgames en passant aussi par la fiction de l’A.W.K et les Meuliens…   

 6 -  La formule exacte de Maurice Denis, publiée dans Définition du Néo-traditionalisme, revue Art et Critique, 30 août 1890 est : « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. » 

7 - La forme régulière et arrondie des Tourtes, plus ou moins calibrées, donne à penser qu’il ne s’agit pas d’un objet modelé à pleines mains, d’autant que pour recueillir les substances des Jus il aurait fallu modeler et presser simultanément. La matière fécale une fois chargée a très certainement été moulée en utilisant un récipient capable de laisser le liquide s’échapper. Dans un premier temps il semblait possible d’imaginer que l’entonnoir, maintes fois représenté dans les Amalgames par exemple, pouvait avoir été ce moule avec, bien entendu, toutes les connotations populaires de folie que l’on pouvait associer à cet objet. La représentation d’une passoire ronde à maille fine dans la série des Jus, (d’ailleurs intitulée passoire à Jus dans le catalogue Peinture 1983) semble plutôt être l’ustensile qui a été utilisé pour façonner les Tourtes ; il est en effet plus adapté pour cette double opération (presser et mettre en forme une galette). De cette observation on peut en déduire deux choses : les pratiques primitives de Kiga autorisaient donc malgré tout le principe d’un moule (forme manufacturée) pour produire une série de d’objets. La seconde relève d’un jeu de langage plutôt trivial car il s’agit bien de façon allusive de « mouler un bronze ». 

8 - Il existe une variante de la préparation, proposée par Bernard Lamarche-Vadel dans « Gasiorowski depuis 1975 »,  Artistes n°4, avril-mai 1980. où il indique ainsi que l’artiste « recueille ses excréments qu’il additionne d’urine ; puis macération relevée d’herbes aromatiques et cuisson à feu doux en cocotte. ».  

 9 - Jean Clair dans le texte de présentation du catalogue de l’exposition  Mémoriaux (1975) avait pour sa part utilisé le terme « écramuoillements » pour désigner les pâtes gluantes des travaux de La guerre de 1975.

10 - En 1970, Gasiorowski réalise une série de toiles intitulées les Croûtes, Il s’agit, selon l’artiste, de motifs pittoresques réalisés dans un style proche des peintres de la place du tertre…, une peinture d’école.

11 – Le psychodrame : « Méthode d’investigation des processus psychiques utilisant la mise en œuvre d’une dramatisation au moyen de scénarios improvisés, mis en scène et joués par un groupe de participants. » Dictionnaire International de la psychanalyse sous la direction d’Alain de Mijolla, Calmann-Lévy, 2002.

12 Les Amalgames est un ensemble de peintures sur papier réalisées entre 1973 et 1983, œuvre qui fait particulièrement apparaitre l’étendue et la diversité des sources iconographiques qui, des peintures de Paul Klee aux pictogrammes rupestres du Fezzan (Libye), par exemple, ont pu servir de source d’inspiration aux dessins des Jus.  

13 –3 Photographies prisent en 1979, Rue Louis Blanc par Colette Portal.

14 - Marcel Duchamp, pour sa part, dans un entretien à la Radio Télévision Canadienne, le I7 juillet 1960, déclarait à Guy Viau à propos de la place de l’humour dans son œuvre : « Une grande part de révolte, une grande part de dérision sur le mot sérieux, tout à fait sujet à caution, naturellement. Et c'est seulement par l'humour que vous pouvez en sortir, que vous vous libérez. »

15 - Entretien de Alain Massiot accordé à Colette Portal en 1995 pour la préparation de son film Gérard Gasiorowski « Tout les jours, le jour », enregistrement sur bande magnétique.

16 – Or, c’est bien une coulée brune de peinture qui s’épanche dans l’œuvre de Gasiorowski, depuis les travaux des Régressions en 1973 jusqu’à la dernière, Fertilité, en 1983…  

(article initialement publié sur appeau vert overblog le par ap)
 

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