mardi 27 décembre 2016

QB(-ismes)

(notes brutes)

« Les lignes parallèles à l'horizon donnent l'étendue, soit une section de la nature ou, si vous aimez mieux, du spectacle que le Pater Omnipotens Aeterne Deus étale devant nos yeux. Les lignes perpendiculaires à cet horizon donnent la profondeur. Or, la nature, pour nous hommes, est plus en profondeur qu'en surface, d'où la nécessité d'introduire dans nos vibrations de lumière, représentées par les rouges et les jaunes, une somme suffisante de bleutés, pour faire sentir l'air. » Paul Cézanne, Correspondances, lettre à Émile Bernard du 15 avril 1904.

détail de l'atelier de G.Braque, 1909
De 1908 à 1912, il fut Analytique, puis Synthétique jusqu’en 1919, et enfin Orphique de 1914 à 1920. Tout cela a commencé par un malentendu concernant une peinture réalisée courant 1908-1909, représentant un bordel d’une rue de Barcelone. Découvrant la peinture en cours de réalisation dans l’atelier de l’artiste, au "Bateau-Lavoir", un ami peintre se serait exclamé : " Il me semble que tu me donnes à manger de l’étoupe et à boire du pétrole.". Il s’agissait, chacun l’aura reconnu, de Braque s’adressant à Picasso au sujet des Demoiselles d’Avignon. Ces Demoiselles, qui parurent si indigestes et si brûlantes - au point d’être mises un temps au frigidaire –, sont pourtant aujourd’hui considérées  non seulement comme un chef d’œuvre, mais aussi par quelques historiens de l’art, comme la première toile Cubiste, cubisme qui n’avait cependant encore ni étiquette, ni millésime. En fait, pour être totalement honnête, il faudrait surtout rappeler que si ce mouvement fut théorisé - notamment pour lui donner une forme de crédibilité - il n’en demeure pas moins que c’est d’abord en grande partie à l’intuition de peintres, sensibles à la tradition picturale et poreux aux formes de leur temps,
On sait que la démarche initiale des peintres cubistes fut inspirée des propos et des peintures de Cézanne et encore des géométries des masques africains. Préoccupés par la représentation en volume du motif, on s’est accordé pour dire qu’ils malmenaient la perspective héritée de la Renaissance, abandonnant volontairement l'unicité du point de vue, pour lui préférer une multiplicité d'angles d’attaque, ceux-ci étant juxtaposés ou enchevêtrés dans un même espace de représentation  (ce que certains résument encore par une vision par facettes), ou encore que ce style se caractérisait par une volonté d’éclater le volume et l’espace en un jeu de plans fractionnés, déconstruisant ainsi la vision traditionnelle de la peinture et conduisant, pour partie, aux lisières de l’Abstraction. Beaucoup insistent  aussi sur l’idée de substituer à la logique d'atmosphère, celle de l'espace construit.
Étrangement donc, c’est davantage une rupture avec le modèle impressionniste (et par voies de faits avec le Fauvisme), qui est visée par ces peintres, qu’avec le modèle classique antérieur, car chacun sait que depuis la Renaissance, la particularité même de l’espace représenté relève d’une construction savante et rigoureuse. Si en apparence l’espace représenté semble se déliter l’espace du tableau est pensé comme une charpente, une ossature. C’est sans doute ce principe formel qui permettra dans un premier temps d’évacuer la couleur de ces compositions, lui préférant une palette moins flambante permettant ainsi de mettre en évidence les valeurs et donc les jeux de lumière. En fait, pour le dire vite, le Cubisme est d’abord une question de dessinateur, en cela qu’il pose la structure comme préalable à l’existence de l’image.
C’est sur ce point que la leçon de Cézanne ("Traitez la nature par le cylindre, la sphère, le cône, le tout mis en perspective, soit que chaque côté d'un objet, d'un plan, se dirige vers un point central.")  ou de Corot ("La couleur, pour moi, vient après.") associée au traitement synthétique des masques primitifs et des premières réalisations architecturales à ossature métalliques montre assez bien le cheminement de l’esthétique cubiste. D’autres indicateurs, comme par exemple la photographie en noir et blanc, ou la tradition des dessins en grisaille, les choix de certains formats (l’ovale), pourraient permettre de comprendre, en les dépliant davantage, les liens ténus qui unissent les recherches Cubistes et l’esprit de la Renaissance.
Le seul élément qui ne sera retenu par Picasso ou Braque concerne le type de sujets représentés, abandonnant  - quoique Les Demoiselles d’Avignon précisément soit une scène de genre – ce qui caractérisait la Renaissance, comme par exemple les grands sujets mythologiques, pour se concentrer sur le paysage, la nature morte et la figure (plus dans la tradition de la modernité)
Là encore, les raisons invoquées par les historiens et par certains peintres cubistes eux-mêmes, tel Albert Gleizes en 1911, dans son texte Le Salon d’Automne 1 -  insistent sur la volonté d’échapper à toute anecdote  qui viendrait parasiter le rapport spécifique à la seule picturalité : « La déviation de la forme, si accentuée dans nos temps contemporains, avait porté à la première place le sujet, l’anecdote, l’épisode et c’est sur cela que l’artiste et le poète se livraient à des variations sentimentales. L’émotion du spectateur ou de l’auditeur naissait de la situation ainsi créée et d’images frappantes. Le spectateur et l’auditeur lisait et entendait l’histoire. L’art se bornait à une agréable présentation, à une facture alléchante, à ces ressources du talent qui peuvent ensorceler n’importe qui avec n’importe quoi. […] Chez les maîtres de la Renaissance, c’est le spectacle seulement qui retenait l’attention de nos contemporains. Ils allaient dans les musées pour regarder des images. […]  L’anecdote n’était que l’accident volontairement provoqué, toujours soumis à la nature de « l’objet », aussi bien dans les grandes images de l’iconographie religieuse que dans celles, plus modestes, des faits et gestes quotidiens, personnels ou sociaux. ». Ainsi, Picasso prétendra « peindre un tableau » là où Matisse préférait « peindre un corps de femme ».
On peut supposer que la réduction à ces trois sujets est plus simple encore (et en tous cas moins idéologique), surtout si l’on s’en tient à la question de la ligne et du dessin : ces trois sujets ont en effet comme points communs de pouvoir se résumer à quelques invariants qui permettaient d’entretenir l’ambigüité de la représentation : un clocher d’église surplombant un village n’est pas si différent par la silhouette de celle d’une bouteille au-dessus d’un plat de fruits, de même, un violon et une figure debout…


Ainsi, il n’y aurait donc pas d’histoire à se raconter devant une toile ou un collage cubiste ! On peut faire semblant d’y croire, pour certains travaux tout au moins, mais ce serait être naïf de ne voir dans cette fulgurante aventure esthétique qui allait bouleverser profondément l’histoire de l’art moderne, qu’une simple démonstration formelle… Les peintres ne sont pas si bêtes ! 
« On peut peindre avec ce que l’on voudra, avec des pipes, des timbres poste, des cartes postales ou à jouer, des candélabres, des morceaux de toile cirée, des faux cols, du papier peint, des journaux », Guillaume Apollinaire, Les Peintres cubistes. Méditations esthétiques, 1913


Le Cubisme, à bien y réfléchir, contient beaucoup de lignes, d’arêtes, de plans, de jeux de facettes mais très peu de cubes à proprement parlé, sauf dans quelques paysages du début représentant des maisons, ce qui, à priori, semble raisonnable. Finalement on aurait pu tout aussi bien  baptiser ce mouvement Arrêtisme ou Facettisme,  au lieu de lui coller ce néologisme inspiré des propos du critique d’art Louis Vauxcelles après avoir vu les toiles de Georges Braque, exposées en 1908 à la galerie Kahnweiler : « il réduit tout à des cubes ».

Et encore, ces deux appellations eussent été trop limitatives car, au fond, ce n’est pas tant la façon de peindre qui fait la particularité de cette entreprise esthétique, que la façon assez radicale, voire systématique dont, s’écartant peu à peu de l’approche traditionnelle des volumes et de l’espace, Braque et Picasso (et quelques autres à leur suite) vont reposer la question même de la représentation.


Là où le spectateur cherchait encore à reconnaître le sujet représenté, selon les codes classiques de leurs enveloppes habituelles (et rassurantes parce que convenues), ces peintres se proposaient d’en examiner l’anatomie, le squelette ou la structure fondamentale. Le sujet devenait objet susceptible d’être déchiffré (ou plutôt chiffré) selon un vocabulaire graphique minimum, un alphabet de signes élémentaires. Pourtant ce travail de démontage, d’analyse et de transposition ne visait pas à défaire la figure, mais bien à l’envisager sous tout autre angle, ne cherchant plus à en reproduire l’illusion, mais bien davantage à rendre compte des processus qui pouvaient rendre compte de la vision.



[...] 

Je me suis toujours demandé pourquoi dans la phase dite « synthétique » du Cubisme il y avait autant d’instruments de musique et plus particulièrement des instruments à cordes (violon, guitare, mandoline…). Certes, ce sujet est parfois utilisé dans le thème de la nature morte, notamment dans les compositions hollandaises du 17e qui convoquent les cinq sens, ou encore et surtout comme motif des compositions allégoriques figurant les attributs des arts. Par ailleurs c’est vrai aussi il existe de nombreux portraits, scène mythologiques et scènes de genre, à toutes les époques qui précèdent, où ces instruments sont présents : de Mantegna à Durër en passant par Titien, chez Vélasquez (je crois me souvenir), chez Poussin, Watteau et Boucher bien sûr, et encore chez Degas et Manet…


Sujet présent en pointillé dans la tradition picturale il devient chez les cubistes une sorte d’objet emblématique, voire presque fétiche. Fétiche : écrivant cela, je me suis un instant demandé si finalement ce n’était pas là la raison de la place qui lui est accordé. L’instrument de musique comme équivalent par la matière (bois, corde) et la forme épurée des objets primitifs collectés sur les marchés ou redécouverts lors des expositions coloniales. D’autant que la forme de ces instruments est, par certains aspects, très proche de celle de la figure, voire directement inspirée de celle-ci, comme c’est le cas pour les petite idoles des Cyclades.

Il y aurait donc à la fois l’affirmation d’une filiation thématique très classique et un glissement analogique formel de l’instrument à la figure, une substitution à peine masquée, indiquant bien une intention de recherche d’un invariant plastique. « Au début du cubisme nous faisions des expériences, la quadrature du cercle était un terme qui excitait nos ambitions. Faire des tableaux était moins important que de découvrir sans cesse des choses » aurait ainsi déclaré Picasso.


[...]

« Le grand grief qu’on nous faisait était celui de l’illisibilité ; on prétendait ne rien voir dans nos tableaux. […] Notre illisibilité ne venait que d’avoir voulu mettre en avant quelques-unes de ces valeurs objectives, dont on ne faisait aucun cas, aussi bien dans les milieux intellectualisés que dans ceux appelés à tort populaires, et d’avoir rejeté le sujet anecdotique à l’arrière-plan du fait de peindre ». Albert Gleize, Souvenirs : le Cubisme, 1908-1914.


Le Cubisme est souvent présenté comme une expression picturale froide, triste et terne, en opposition aux œuvres bariolées du Fauvisme, ce n’est pourtant pas son versant coloré qui fit davantage apprécier ce mouvement. Le public, dans sa grande majorité, à peine remis de la mode du ripipipoint, restait encore très sensible aux valeurs sûres de la peinture Académique.

Mieux que le Fauvisme - qui était finalement davantage la manifestation d’excès de couleur qu’un réel accès de colère - le Cubisme s’est très vite montré sensible aux signes de son époque, les peintres introduisant, dans leurs compositions, les bribes visuelles du monde moderne dont la ville, plus que la campagne, était le lieu d’effervescence. Les enseignes publicitaires et les réclames qui commençaient à façonner un nouvel environnent visuel, les innovations techniques en architecture ou dans le domaine des transports, la généralisation progressive de l’électricité… Toutes ces transformations étaient, comme l’avait d’ailleurs remarqué Daniel-Henry Kahnweiler, pour ces jeunes artistes « un nouvel univers de beauté. ».

L’importance accordée aux mots et aux lettres (dessinés ou peints à l’aide de pochoirs – comme on le faisait pour les affiches et les réclames -) témoigne sans conteste de cette porosité aux formes de l’époque notamment en ce qui concerne la place de l’imprimé.

Cette utilisation ne c’est cependant pas faite d’emblée. Elle apparait (chez Picasso tout au moins) à la fin de l’été 1910, sur la page de garde d’une épreuve d’un livre de Max Jacob « Saint Matorel » pour lequel Picasso a réalisé quelques eaux fortes. La page de gauche de ce tirage d’épreuve (vierge à l’origine) est occupée par un dessin à l’encre (reprenant, pour partie, le motif d’une peinture qu’il est en train de réaliser, Femme nue debout. Plusieurs annotations, dont des mesures et des additions y sont également griffonnées. Sur la page de garde, de part et d’autre des éléments imprimés (texte et frontispice), Picasso a recopié au crayon de papier les lettres du nom de l’écrivain, ainsi qu’une suite de chiffres. Bien entendu, d’autres gestes similaires consistant à dessiner sur du papier à lettre à l’entête d’un hôtel ou d’un magasin, existaient déjà, mais en général ces éléments étaient absorbés ou figuraient en marge du dessin. Ici pourtant, il semble que ce soit la typographie des lettres qui ait retenu son attention : le C de Jacob y est testé à deux reprises avec une variante dans le tracé de l’empâtement supérieur.


Un an plus tard, à Céret, initié par Braque à la technique du pochoir, Picasso réalise plusieurs huiles sur toile où des lettres apparaissent dans la composition (La bouteille de Rhum  et Nature morte sur un piano,« CORT» …). Il faudra néanmoins attendre le printemps 1912 pour que les premiers morceaux de journaux découpés contenant des lettres imprimées soient introduits par collage dans des compositions en même temps que d’autres motifs.

Que des lettres ou de l’écriture cohabitent avec de la peinture n’est pas, en soi, un fait nouveau. La tradition du boustrophédon (inscrit ou non sur des phylactères) dans la peinture religieuse occidentale, les pictogrammes tracés ou imprimés dans les estampes orientales, les lettrages des affiches publicitaires sont, par exemple, des antécédents connus de Braque et Picasso. Cependant ici c’est la lettre renvoyant à l’idée d’impression qui est privilégiée, qu’elles soient peintes ou collées, autrement dit à un type d’écrit mécanisé, lié à la diffusion de supports modernes.

On a souvent dit, Apollinaire le premier, que l’utilisation de ces lettres, de ces mots, tout comme les éléments de collage, était une façon d’introduire l’univers contemporain dans les images, de « forcer le réel ». Pour d’autres, cette intention est née de la nécessité ressentie de rompre avec un dispositif jugé trop hermétique à la vision : multipliant les «  détails réels » ou  les fragments d’objets reproduits en trompe-l’œil, espérant ainsi rendre les objets de leurs tableaux plus lisibles pour le spectateur. Bien que ces hypothèses soient possibles, elles ne me semblent pas franchement convaincantes car la radicalité des expériences cubistes tant dans leurs compositions que dans l’utilisation des matériaux n’étaient pas faites pour rassurer le public mais, bien au contraire, pour déplacer les champs convenus du regard.

Le jeu plastique des lettres dans les compositions cubistes repose sur le dessin, le calibrage, les tailles et les découpes. Les lettres y sont d’abord des formes graphiques, des éléments d’un vocabulaire qui, de part leurs géométries, font écho aux éléments représentés (éclisses, courbes de la caisse de résonance d’un instrument, pied d’un verre…) et aux figures (hanches, œil, chevelure…), tout en affirmant la frontalité du tableau (la lettre est imprimée sur une page ou un plan) et, accessoirement, son sens de lecture.

[...]
 
« … voici un monde en rupture de ban : les yeux sans front, le sexe à la place des lèvres, les plans en ébullition ; et le couteau, le quignon de pain ou le paquet de tabac prennent soudain la dignité qui, jusque là, revenait de droit à l’enlèvement des Sabines, à la noble figure humaine. » Jean Paulhan, Braque ou la peinture sacrée, Ed. L’échoppe, Envois, 1993


E. Atget - Chanteur des rues, détail
Tout le monde aura remarqué, à quel point, les courbes alanguies des guitares rappellent celles des statues et, par delà les statues, celles des corps des femmes ou les déesses qu’elles étaient censées représenter. C’est un chant ancien que tous les bardes, ménestrels, troubadours, trouvères et autres chanteurs des rues ont encore en mémoire, aux bouts des doigts.


Tout est une question de point de vue, d’échelle et de distance. Une nature morte n’est rien d’autre qu’une mise en relation d’objets, une mise en scène de figures, comme on le ferait au théâtre. Le degré d’abstraction de certains collages, de certaines peintures (et plus encore pour les gravures) cubistes peuvent entretenir ce doute, cette indécision de l’espace et de ce qui est vraiment donné à voir, et c’est justement, je crois, ce que cherchaient ces peintres : un registre de formes qui permettrait de tout contenir, du passé et du présent de l’histoire des représentations (la quadrature du cercle).


Dans cette peinture de Braque, intitulée étrangement Statue d’épouvante (1913), on peut ainsi, soit considérer le savant assemblage de papiers croisé dans l’ovale du format, y reconnaitre une table jonchée d’accessoires de musiciens ou découvrir un corps blanc couché (ou plutôt chaviré) sur un lit des partitions, un corps qu’on serre et que l’on étreint entre ses bras pour en tirer le son plaintif et chaud de ses cordes vibrantes. Corps de cordes pincées, caressées, corps de bois griffé des sillons vernis qu’écaille l’ongle au passage. Voici donc les ébats d’un duo de clarinette chevauchée par le torse blanc de la guitare au timbre rare


« J’aime Eva », nous dit Picasso en 1912, en nous présentant, de face, la table d’harmonie d’une guitare, posée debout à côté d’un verre au pied assez turgescent. Il faudrait donc être bien naif pour penser que Eva est le nom de l’instrument. Et voici une autre « Guitare », toujours en 1912, petit volume de papier dont le manche, composé d’un pliage en accordéon, évoque le plissé d’une chevelure libérée de sa natte et retombant sur un dos d’une femme (mais dans quelle posture se trouve-t-elle donc ?). Enfin, ce collage assez précieux, encore nommé « Guitare »(1913), composé d’un assemblage de petits papiers, d’un morceau de tulle et de ficelles dessinant un losange ouvert sur une zone sombre, sorte de béance où brille l’arrondi d’une perle logée entre deux lignes verticales.
 
Ne serait-il pas amusant de revisiter, sous cet éclairage, quelque peu biaisé, un bon nombre de ces géométries prétendument austères, pour enfin prendre la mesure très sensuelle qu’elles proposent ?


 Car enfin, cette pipe posée sur un journal, lui-même couvrant en partie le bois d’un violon qui se confond  avec celui de la table, n’est pas qu’une simple représentation par des objets de l’ordinaire, ou du Quotidien comme l’annonce le titre du fragment collé ici. Il suffit de lire simplement ce que pointe, goguenard, le tuyau de la pipe, d'être attentif à la résonnance que la sonorité du mot entretient avec la découpe noire sur la droite, en forme de B (censée représenter les rondeurs d’un violon), de remarquer enfin les échos des courbes serpentines des deux ouïes et de la petite queue du Q… Certes, ce ce n'est pas L'enlèvement des Sabines, mais c'est néanmoins une belle étreinte.

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(Si un isme est un suffixe qui permet commodément d’englober un ensemble des notions que comprendrait le mot auquel il est accolé, il s’avère en fait que cette terminologie ne signifie rien de très précis étant donné les champs des applications ou les domaines qu’il recouvre (Marxisme, Lyrisme, Erotisme…), l’isthme en revanche est plus concret, puis qu’il désigne une sorte de trait d’union entre deux étendues. Tout compte fais, et tous comptes faits,  je propose que ce th, qui de toute façon est muet, soit ajouté au nom de ce mouvement esthétique. Non seulement Cubisthme sonne franchement mieux, mais il traduit davantage l’idée véhiculée par ce qu’il représente au fond : un pont (façon Effeil) tendu entre les formes esthétiques, qui ouvrait la voie à toutes celles de la modernité.) 
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1 - Albert Gleizes, Souvenirs : le Cubisme 1908-1914


par ap)

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