Giorgio Agamben
Dans un
petit livre qui reprend la leçon inaugurale du cours de philosophie théorique
donné en 2005-2006 à l'université de Venise, Giorgio Agamben interroge en six
points la notion de contemporain. « De qui et de quoi sommes nous
contemporains? Et, avant tout, qu’est-ce que cela signifie, être contemporains? »
La première proposition, faite en écho à un remarque de F. Nietzsche considère que "Celui qui appartient véritablement à son temps, le vrai contemporain, est celui qui ne coïncide pas parfaitement avec lui ni n'adhère à ses prétentions, et se définit, en ce sens comme inactuel; mais précisément par cet écart et cet anachronisme, il est plus apte que les autres à percevoir et à saisir le temps." Autrement dit, à vouloir coller à son époque, se couler pleinement dans les schémas qu'elle propose, est la meilleur façon de ne pas la voir. C'est la question de la distance qui est ici pointée, la distance suffisante pour une mise au point nécessaire.
La première proposition, faite en écho à un remarque de F. Nietzsche considère que "Celui qui appartient véritablement à son temps, le vrai contemporain, est celui qui ne coïncide pas parfaitement avec lui ni n'adhère à ses prétentions, et se définit, en ce sens comme inactuel; mais précisément par cet écart et cet anachronisme, il est plus apte que les autres à percevoir et à saisir le temps." Autrement dit, à vouloir coller à son époque, se couler pleinement dans les schémas qu'elle propose, est la meilleur façon de ne pas la voir. C'est la question de la distance qui est ici pointée, la distance suffisante pour une mise au point nécessaire.
La seconde
proposition s'appuie sur la lecture d'un poème qui, par la métaphore de la
colonne vertébrale, suggère l'idée de l'enchaînement et de la rupture que
représentent la figure du siècle, de l'espoir naissant à ses feux
resplendissants, jusqu'à son terme que le poète chevauche et envisage.
De ce
corps à l'échine brisé, se retournant sur lui même pour contempler ces propres
traces, le poète - contemporain de ce siècle - « est donc celui qui
fixe le regard sur son temps pour en percevoir non les lumières, mais
l'obscurité." et plus loin, G. Agamben précise : "Contemporain est
celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son
temps."
Une
réflexion sur l'astrophysique puis sur la mode conduisent l'auteur à poser la
question du temps discontinu, entre la notion d'actualité et d'inactualité,
entre un trop tôt et un trop tard, entre un "pas encore", un
"ne plus", un futur et un passé décliné au présent, ravivé comme la
lumière d'un astre déjà mort qui rayonne encore pour nous.
Ce
déphasage, cette torsion du temps pose enfin la question de la relation souvent
étroite qui se manifeste dans les signes contemporains d'un archaïsme, d'une
origine. "Les historiens de l'art et de la littérature savent qu'il y a
entre l'archaïque et le moderne un rendez-vous secret, non seulement parce que
les formes les plus archaïques semblent exercer sur le présent une fascination
particulière, mais surtout parce que la clé du moderne est cachée dans
l'immémorial et le préhistorique.", et d'en déduire : "Être
contemporain signifie en ce sens, revenir à un présent où nous n'avons jamais
été."
"C'est comme si, cette invisible lumière qu'est l'obscurité du présent projetait son ombre sur le passé tandis que celui-ci, frappé par ce faisceau d'ombre, acquérait la capacité de répondre aux ténèbres du moment."
"C'est comme si, cette invisible lumière qu'est l'obscurité du présent projetait son ombre sur le passé tandis que celui-ci, frappé par ce faisceau d'ombre, acquérait la capacité de répondre aux ténèbres du moment."
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Giorgio Agamben « Qu’est ce que le contemporain ? »,
traduit de l’italien par Maxime Rovere. Rivages Poche (Petite Bibliothèque),
juillet 2008
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