Gérard Gasiorowski
Faire
le guignol, le clown, le pitre, le singe... Faire le fou, dit-on
communément pour désigner une attitude, une façon de faire ou d’être
quelque peu décalée, amusante ou inquiétante. Certes, Gérard
Gasiorowski, en certains moments de son œuvre, s’est plu à jouer
quelques uns de ces rôles, ou disons plutôt que l’artiste s’est
employé, au cours de diverses fictions, à en laisser paraitre les
signes manifestes – les symptômes –. De 1973 à 1983, Gasiorowski,
abandonnant un procédé pictural élégant, s’engage dans une expérience
placée sous le signe des Régressions qui le conduira à « toucher le
fond », sinon les tréfonds de la peinture. En témoignent « Les tourtes »
ou « Les jus ».
On
peut dès lors s’interroger sur les raisons qui ont pu ainsi l’amener à
changer radicalement de cap, voire à dériver (délirer) et finalement à
« passer à l’acte ». Dans
quelle mesure la manipulation de ces substances et de ces matières
premières relèvent-elles du champ esthétique? S’agit-il d’ailleurs d’un
« passage à l’acte » au sens psychanalytique du terme - à savoir un
franchissement imprévu des limites du raisonnable et de l’exprimable -
ou bien doit-on y voir, au contraire, l’aboutissement cohérent d’une
logique et d’un processus plastique poussé à son terme? Quelle
« alchimie » est ici à l’œuvre ?
Consignation
C’est en 1983, dans l’exposition « Peinture » organisée par l’ARC qu’ont été, pour la première fois présentés au public Les Tourtes et les Jus.
Les unes, petite quantité de galettes brunes (une vingtaine) étaient
disposées en tas sur la tablette d’une vitrine, les seconds, traces
ocres sur papier, montées sous cadre, étaient accrochées à une
cimaise formant un bloc compact de quarante huit dessins disposés en
ligne sur trois étages. D’un coté, donc, des objets d’apparence
organique et de l’autre des images en deux dimensions constituant un
inventaire de formes et de figures. De la réalisation des Tourtes,
nous ne disposons que de récits, tel celui rapporté par Michel Enrici :
« Kiga recueille sa merde dans le berceau de ses mains et y adjoint des
plantes aromatiques pour la livrer à une cuisson qui stabilisera la
matière »1. Les dessins des Jus,
quant à eux, seraient réalisés à partir des substances liquides
extraites de ces excréments. Objets et images sont donc attribués à
Kiga, personnage révolté et sauvage inscrit au sein d’une grande saga
élaborée par Gasiorowski, dont les traces matérielles semblent pourtant
attester d’une existence bien charnelle. Côtoyant les autres ensembles
réalisés par Gasiorowski (les Fleurs, les Chapeaux, les Meules…)
ces travaux singuliers, ces dépôts co-signés par le personnage et son
auteur –mais tout aussi bien des « dépôts consignés » ayant presque une
valeur de pièces à conviction -, bien qu’inscrits dans un registre
fictif, ne pouvaient que susciter une certaine stupéfaction et
interpeller sur les raisons profondes qui en avaient motivé la
réalisation.
Reproductions
Revenons un instant en arrière : les premiers travaux que Gasiorowski réalise entre 63 et 73 sont des toiles photo-réalistes,
c’est à dire des images utilisant un processus de reproduction
graphique ou pictural à partir d’images photographiques. Patience et
méticulosité, plus qu’habileté picturale en sont les facteurs de
réussite.
Cette
opération appliquée et répétitive aboutissant à un effet spectaculaire
ne méritait cependant, pas aux yeux de l’artiste qu’on considère ces
travaux comme de la peinture : « Je m’ennuyais, en faisant usage de
l’épiscope et ensuite en prenant mon pinceau, commençant mon tableau en
haut et à gauche et le finissant en bas et à droite, il m’est apparu que
le tableau avant même d’être commencé était fini… », indiquait-il dans
un entretien2. Ce n’est
pourtant pas par lassitude que Gasiorowski allait modifier radicalement
sa façon de travailler mais en prenant acte de l’aspect mortifère de
cette entreprise de production d’images.
Production
Dès 1970, avec la série des Croûtes,
la couleur succède au noir et blanc, le rugueux et le crouteux se
substituent au lisse, la touche se fait plus ample, le geste plus vif
voire plus chaotique.
En 1973, ayant apparemment renoncé à la tentation de «l’adorable
leurre », Gasiorowski se lance à corps perdu dans la gribouille et la
patouille. Il fait « des pâtés » comme un enfant qui découvrirait
l’évidence et le plaisir des outils, des textures, des gestes. Toute une
« enfance de l’art », selon l’expression de Picasso dont, précisément,
il copie quelques tableaux et en imite scrupuleusement la signature.
Peindre d’après photo, d’après tableau ou d’après Pablo ne ferait, au
fond, que peu de différence : « Je me trouve toujours devant l’évidence
de ma main ; toute une préhistoire bien cultivée ressurgit devant chaque
tache ou ligne… »3.
Or c’est contre les notions de styles, de manières ou de « factures »
que s’insurgeait Gasiorowski, considérant qu’il ne s’agissait là que
d’arguments de vente d’un produit : «…l’art n’étant que le résidu
marchand d’un certain type de comportement vis-à-vis de la peinture » 3bis.
Faire de faux Picasso, dont la signature était mieux imitée que le
tableau qui lui servait de modèle, n’était-ce pas, au-delà de simple
blague de potache (« Picasso, je peux en faire autant… ! »), une façon
de stigmatiser la seule logique mercantile.
Réjections
Tout
produit consommable suppose, de part sa chaine logique, qu’il devienne
un jour ou l’autre un rebut, un déchet, un « résidu ». Seule
l’importance accordée à la valeur ajoutée de sa marque (la signature)
peut, en certains cas, modifier le cours des choses (un urinoir mural
devenant Fontaine…).
Nombre de propositions duchampiennes, souvent prisent comme argent
comptant, allaient ainsi valoriser une production esthétique
privilégiant le concept reléguant de fait la peinture à une simple
perception rétinienne, modifiant ainsi le rôle et le statut de l’œuvre
d’art. Gasiorowski, qui tenait la peinture comme une forme
accomplie de l’expression et du langage, ne pouvait que regretter ce
schisme et ses conséquences au point d’en manifester son écœurement :
«Pour parler franchement, je vomis l’art moderne, plus exactement l’art
meûderne.»4
Régressions
En décidant d’inscrire son travail sous une logique apparente de Régressions5
Gasiorowski choisissait, simultanément, de se retirer de la logique
consumériste de son époque. Il ne lui restait plus qu’à endosser les
costumes du pitre, du marginal ou du fou. Dès lors, la multiplication de
principes sériels quasi obsessionnels, d’un bricolage grossier ou
maladroit, de l’hétérogénéité formelle, de l’utilisation de jouets, de
compresses ou de bandages, qui jalonnent ce cycle des Régressions en devenaient les traces visibles. Si les travaux de La Guerre de 1975
portent autant les signes d’une débandade que d’une catastrophe
esthétique annoncée, ceux-ci ne sont cependant que les symptômes d’une
dynamique régressive dont L’Académie Worosis Kiga (1976-1980) en est la forme la plus explicite.
Fictions
L’A.W.K est
avant tout un dispositif plastique fictionnel qui vise à épingler
quelques pratiques fallacieuses du milieu artistique. Posant une fois
encore la question de la reproduction servile d’un motif unique (le chapeau),
soumettant ses personnages aux règles et aux principes autoritaires qui
régissent cette pseudo école d’art, s’amusant de la permutation de
leurs identités par jeux d’étiquettes, Gasiorowski stigmatise la vanité
de l’artiste qui, revendiquant une démarche originale, ne serait en fait
que le simple produit d’une esthétique cultivant l’uniforme et le
conformisme. Ainsi, les productions plastiques étant envisagées
comme le résultat d’une réduction progressive des diversités
d’expressions aboutissent à une forme sommaire et schématique : vidées
de leur matière (de leur substance) celles-ci ne se résumeraient plus
qu’à des signes en un certain ordre assemblés, pour reprendre la fameuse
formule de Maurice Denis6
Déjection
Tout système de production contenant son terme, Gasiorowski élaborant la fiction Worosis Kiga choisissait ainsi, pour la clore, la figure qui y était inscrite : Kiga. Femme et sauvage, dépositaire des formes primitives de l’art, Kiga
incarne le refus du convenu esthétique moderne, une entité libre qui
puise en elle-même la force de son expression, sans apprêts ni manières,
renouant en cela avec des pratiques « authentiques ». Kiga cependant
ne peint pas, mais les objets qu’elle façonne contiennent les traces de
la peinture ou plutôt celles de sa mémoire intime. C’est dans ce
contexte minimal de création que le geste le plus naturel
d’extériorisation de la matière devenait possible et que furent réalisés
les Tourtes et les Jus.
Transgressions
A travers le cycle L’A.W.K, Gasiorowski laissait entendre que l’académisme ne produisait que de la merde, Kiga
« passant à l’acte » en fera effectivement l’un des objets de sa
pratique. On doit cependant rappeler que dans le dispositif imaginé -
celui-ci ayant valeur de métaphore - c’est moins Gasiorowski que son
personnage Kiga qui réalise ce geste transgressif. Pourtant, et c’est là
toute l’ambiguïté de cette trame narrative, contrairement au seul récit
de l’écrivain, les Tourtes
sont bel et bien des objets tangibles, des boules d’excréments dont
l’artiste confiera plus tard à quelques proches les conditions de leur
réalisation. Si la proposition n’avait consisté qu’en une simple
défécation, prenant l’expression « faire une merde » au pied de la
lettre, celle-ci ne pouvait, sauf à l’inscrire comme une performance –
et encore ! -, être considérée comme une œuvre, aussi, fallait-il encore
les mettre en forme et surtout les conserver. Les excréments façonnés
sous formes de boules légèrement aplaties (moulés dans une passoire7, chargés de paille (de terre ?) et d’herbes aromatiques (préparés et assaisonnés) devaient être cuites (séchées) au four8.
Locutions
L’aspect
culinaire de cette description (de cette recette) évoque évidemment,
entre autres, les jeux d’enfant réalisant des pâtés de terre, des mets
factices, des « cacabouillas ». Ceux de Kiga ne sont pas de ces
colombins « écramouillés »9 (cacaboudin), mais des « cacacroûte », boules puantes certes, mais épicées, farcies et cuites « à la diable ». Ajoutons que si le terme de Tourtes
désigne habituellement une nourriture, laquelle s’avère ici impropre à
la consommation, sa consonance se trouve à mi chemin entre « tourbes »
et « tarte », ayant justement l’aspect des unes et le souvenir de
l’élaboration des autres. Le rapport au langage, ici trituré comme une
pâte salée, rappelant, en passant, la fameuse expression du père Ubu
(« Merdrre ! »), loin d’être anecdotique, renvoie peut-être à d’autres
formes du passage à l’acte, tel le lapsus, qui laisserait par exemple
échapper « crottes » à la place de Croûtes : barbouiller des Croûtes10 ou mouler des Tourtes, avec toute la connotation scatologique de ces expressions, revenant à dire que l’on ne fait rien de bon. Les Jus,
titre qui désigne un ensemble de dessins, évoque également un langage
de cuisine (suc résultant de la cuisson d'une viande) mais aussi de
peintre (travail de glacis ou transparence des encres). Ils seraient,
pour leur part, réalisés à partir des substances liquides issues des Tourtes pressées avant cuisson.
C’est donc à partir des extraits (extractions) des Tourtes que peuvent se réaliser les Jus, répondant ainsi à l’adage « Rien ne se perd tout se transforme ! ». Les
dessins, tracés au pinceau (ou au doigt ?) représentent différents
objets ou figures sous forme d’inventaire : on y croise les membres
d’une famille, les ustensiles qu’ils sont sensés utiliser pour des
taches ménagères ainsi quelques objets de rites auxquels ils pouvaient
se livrer. D’un point de vue formel, ces traces en quasi
transparence sont réalisées par un jeu de lignes brisées, tracées
(étirées) sur un fond blanc, et parfois accompagnées d’annotations (« le
grand père, la mère, la passoire à jus, le panier à poisson… »). Le
registre naïf et assez géométrique de la représentation ainsi que les
sujets pourraient laisser à penser qu’il s’agit là de réalisations
enfantines ou primitives pour ne pas dire d’expressions graphiques
proches de celles croisées dans le milieu psychiatrique.
Suspicions
D’un coté, les matériaux et les gestes utilisés par Gasiorowski pour les Tourtes et les Jus
semblent attester d’une réelle régression. De l’autre, le contexte de
leur réalisation, vers 1978, peuvent donner à penser que la frontière
entre fiction et réalité était devenue poreuse. Les quelques
proches qui lui rendent alors visite, signalent la solitude extrême
ainsi que le dénuement de l’appartement où l’artiste vit reclus et où
flotte une odeur pestilentielle. Jean-Pierre Bertrand a évoqué à ce
propos « une odeur de ventre qui prenait à la gorge »…Une amie (Sabine
Monyris) se souvient aussi : «… à cette époque, Gasio était au plus mal,
dans un état assez dépressif… pour des raisons privées mais aussi parce
qu’il ne montrait plus son travail… Il ne vivait et ne parlait que de
« son indien » et de La Peinture…
De temps en temps, il venait à la maison et nous faisions de la
pâtisserie, des tartes… puis il retournait chez lui où il roulait ses
boules de caca et dessinait avec son pipi… C’était une période
étrange… ». Gasiorowski aurait-il pu à
ce moment précis de sa fiction, compte tenu des circonstances,
s’identifier pleinement à son personnage au point de ne plus faire la
différence entre sens propre et sens figuré ? L’hypothèse,
quoiqu’envisageable, reste fragile et le plus probable est qu’il
s’agisse plutôt, comme l’artiste le signalait d’ailleurs lui-même, d’un
« psychodrame »11.
Présentations
La
dégradation de l’imagerie et de l’image de l’artiste telle qu’elle nous
est proposée, qui autorise et justifie le « passage à l’acte » des
personnages, relève d’abord d’une écriture et d’une théâtralisation dont
Gasiorowski est tout à la fois l’auteur, les acteurs, et le metteur en
scène. Plusieurs éléments plaident ici, à mon sens, en faveur
d’une représentation que l’on pourrait presque qualifier, de part la
nature des objets, « d’hyperréaliste ». Le premier, sans doute, tient à
ces jeux d’identités croisées qui brouillent les cartes entre réalité et
fiction (sorte de jeu de rôles). Un second tient à la faculté de
Gasiorowski à se couler dans la diversité des formes plastiques et d’en
digérer les aspects stylistiques comme en atteste aussi, par exemple, le
grand ensemble des Amalgames12.
Un dernier élément, et non des moindres, tient plus particulièrement à
la façon d’exposer les travaux ou de les mettre en espace. Il en va
ainsi des installations des Tourtes au sol de son appartement présentant tantôt, photographiées en 197913 selon différents alignements géométriques (entre jeux rituels et Land Art), ou des dispositions de Tourtes
reprenant les compositions de tableaux classiques (une nature morte
de pommes de Cézanne, « le panier de fraises » de Chardin…) donnant
ainsi à comprendre que ces boules modelées sont d’abord des volumes
modulaires permettant d’élaborer des figures complexes sur un mode quasi
combinatoire (langage). Cette attention portée à la phase de
présentation peut être également observée pour les Jus.
En 1979, un cliché montre un premier ensemble dont la disposition
respecte les différentes catégories énoncées plus haut (famille,
ustensile, objets de rite…) tandis qu’en 1983, pour l’accrochage de
l’ARC, les images sont « rebattues » pour donner justement une lecture
moins rationnelle (linéaire) de l’ensemble. Tout ceci donnant bien
évidemment à penser que l’artiste établit bien une différence entre les
phases de réalisation et celle de la monstration (structuration).
Déception
Les Tourtes et les Jus,
ne sont pas que le résultat d’une manifestation impulsive ou
incontrôlée au sein de l’œuvre mais apparaissent, au contraire, comme
celui d’un geste prémédité, ou tout au moins assumé dans le dispositif
fictif. La valeur métaphorique de ces objets n’élude en rien la
charge émotive qu’ils suscitent chez celui qui en prend acte. Si
« passage à l’acte » il y a, c’est dans le sens d’une décision (« Donc
acte ! ») qui, l’artiste le sait, conduira inévitablement à un sentiment
répulsif, voire déceptif… (« Ha, quel grand peintre vous auriez pu
être ! »). La réalisation des Tourtes
est ainsi, au sens premier, une « entrée en matière » des gestes
premiers de l’artiste : malaxer, modeler, enfouir, recouvrir puis fixer
la forme… Les Jus qui en
découlent en sont une variante figurative. Le début d’une reconstruction
d’un langage, d’un ensemble de signes et de codes, la naissance de
l’élaboration d’une norme… « Recommencer la peinture, commencer à
nouveau la peinture » pour reprendre les termes de Gasiorowski
nécessitait sans doute d’en passer par là, de revenir aux fondements de
l’image, au point zéro, à toucher l’impur et à s’approcher de
l’indicible.
___
(Ce texte a été rendu public lors du Colloque Internationnal "Passage à l’acte : l’agir, de la performance à la psychiatrie", 20 et 21 janvier 2012. HiCSA / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, en collaboration avec l’Hôpital Sainte-Anne)
1 - Michel Enrici – « Comme une pluie de feu », Cat. Expo. « Peinture » L’ARC, Ed. A. Maeght, Paris, 1983
2 - Ent. avec Bernard Lamarche-Vadel in « Worosis Kiga » Cat. Expo. Théâtre oblique, Paris, 1975 -
3 et 3bis - Ent. avec Bernard Lamarche-Vadel in « Worosis Kiga » Cat. Expo. Théâtre oblique, Paris, 1975
4
- Propos de Gérard Gasiorowski recueillis par Véronique Pittolo et
Henri-François Debailleux au sujet l’exposition qu’il préparait pour la
FIAC en 1986. Libération 22-08 1986, P.23
5 - Régressions, retour à un état antérieur du développement affectif et mental, indique le titre complet du cycle réalisé de 1973 et 1983, lequel recouvre l’ensemble des travaux de La Guerre aux Amalgames en passant aussi par la fiction de l’A.W.K et les Meuliens…
6 - La formule exacte de Maurice Denis, publiée dans Définition du Néo-traditionalisme, revue Art et Critique,
30 août 1890 est : « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval
de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est
essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain
ordre assemblées. »
7
- La forme régulière et arrondie des Tourtes, plus ou moins calibrées,
donne à penser qu’il ne s’agit pas d’un objet modelé à pleines mains,
d’autant que pour recueillir les substances des Jus il aurait fallu
modeler et presser simultanément. La matière fécale une fois chargée a
très certainement été moulée en utilisant un récipient capable de
laisser le liquide s’échapper. Dans un premier temps il semblait
possible d’imaginer que l’entonnoir, maintes fois représenté dans les
Amalgames par exemple, pouvait avoir été ce moule avec, bien entendu,
toutes les connotations populaires de folie que l’on pouvait associer à
cet objet. La représentation d’une passoire ronde à maille fine dans la
série des Jus, (d’ailleurs intitulée passoire à Jus dans le catalogue
Peinture 1983) semble plutôt être l’ustensile qui a été utilisé pour
façonner les Tourtes ; il est en effet plus adapté pour cette double
opération (presser et mettre en forme une galette). De cette observation
on peut en déduire deux choses : les pratiques primitives de Kiga
autorisaient donc malgré tout le principe d’un moule (forme
manufacturée) pour produire une série de d’objets. La seconde relève
d’un jeu de langage plutôt trivial car il s’agit bien de façon allusive
de « mouler un bronze ».
8
- Il existe une variante de la préparation, proposée par Bernard
Lamarche-Vadel dans « Gasiorowski depuis 1975 », Artistes n°4,
avril-mai 1980. où il indique ainsi que l’artiste « recueille ses
excréments qu’il additionne d’urine ; puis macération relevée d’herbes
aromatiques et cuisson à feu doux en cocotte. ».
9 - Jean Clair dans le texte de présentation du catalogue de l’exposition Mémoriaux (1975) avait pour sa part utilisé le terme « écramuoillements » pour désigner les pâtes gluantes des travaux de La guerre de 1975.
10 - En 1970, Gasiorowski réalise une série de toiles intitulées les Croûtes,
Il s’agit, selon l’artiste, de motifs pittoresques réalisés dans un
style proche des peintres de la place du tertre…, une peinture d’école.
11 –
Le psychodrame : « Méthode d’investigation des processus psychiques
utilisant la mise en œuvre d’une dramatisation au moyen de scénarios
improvisés, mis en scène et joués par un groupe de participants. »
Dictionnaire International de la psychanalyse sous la direction d’Alain
de Mijolla, Calmann-Lévy, 2002.
12 –
Les Amalgames est un ensemble de peintures sur papier réalisées entre
1973 et 1983, œuvre qui fait particulièrement apparaitre l’étendue et la
diversité des sources iconographiques qui, des peintures de Paul Klee
aux pictogrammes rupestres du Fezzan (Libye), par exemple, ont pu servir
de source d’inspiration aux dessins des Jus.
13 –3 Photographies prisent en 1979, Rue Louis Blanc par Colette Portal.
14
- Marcel Duchamp, pour sa part, dans un entretien à la Radio Télévision
Canadienne, le I7 juillet 1960, déclarait à Guy Viau à propos de la
place de l’humour dans son œuvre : « Une grande part de révolte, une
grande part de dérision sur le mot sérieux, tout à fait sujet à caution,
naturellement. Et c'est seulement par l'humour que vous pouvez en
sortir, que vous vous libérez. »
15
- Entretien de Alain Massiot accordé à Colette Portal en 1995 pour la
préparation de son film Gérard Gasiorowski « Tout les jours, le jour »,
enregistrement sur bande magnétique.
16 – Or, c’est bien une coulée brune de peinture qui s’épanche dans l’œuvre de Gasiorowski, depuis les travaux des Régressions en 1973 jusqu’à la dernière, Fertilité, en 1983…
(article initialement publié sur appeau vert overblog le
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